Bibliothèque de l’amateur d’art

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 12/07/2012

Jane Eyre, Charlotte Brontë, préface de Dominique Barbéris, édition et traduction de Dominique Jean, Folio classique, 848 p., 5,30 €.

Depuis sa publication en Angleterre en 1847, Jane Eyre est demeurée le roman le plus apprécié de Charlotte Brontë. Le succès est tel que la traduction française est sortie en 1854. L’histoire de cette jeune fille qui, après avoir passé des années d’étude dans un internat assez dur, finit par devenir une de ses enseignantes. Un beau jour, elle décide de changer de vie et fait passer une petite annonce pour devenir gouvernante. Elle est finalement reçue chez Mr. Rochester et s’occupe de l’éduction de la jeune Adèle. Elle tombe amoureuse de cet homme plus âgé. Le mariage est sur le point d’être célébré quand elle apprend que Rochester était déjà marié à une femme devenue folle. Elle s’enfuit et est recueillie par la famille Rivers.
Le jeune pasteur St John lui trouve un poste d’institutrice. St John lui demande de l’épouser et de le suivre en Inde. Mais elle décide de retourner chez Rochester et trouve la maison détruite (elle avait été brûlée par la première épouse qui avait perdu la raison) et celui qu’elle aimait était devenu aveugle. Elle l’épouse néanmoins. Le curieux mélange de drame sentimental et du portrait de cette femme qui affronte le monde pour son amour et finit par triompher malgré tous les obstacles fait que le roman ne tombe pas dans la sentimentalité sirupeuse. C’est un vrai miracle sur le fil de cet équilibre presque impossible ! De toute évidence, ce livre marque une date importante dans le roman anglais où la femme n’est pas toujours la victime du drame – ce qui sera encore vrai avec Thomas Hardy et même Henry James…

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Adieu au foot, 80 récits d’une minute, Valerio Magrelli, traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli en collaboration avec René Corona, Actes Sud, 176 p., 17 €
Co[rps]propriété, Valerio Magrelli, traduit de l’italien par René Corona, 176 p., 18,80 €.

De nos jours, en dépit des apparences (ne serait-ce que le titre), ce n’est pas l’expérimental qui domine, mais l’idée du moment qui fait mouche. Valerio Magrelli ne manque pas du sens de l’opportunité. Son Adieu au foot est assez astucieux car il distille une somme considérable de banalités sur la question (l’enfant qui apprend à jouer et s’affirme au fil des mois) en les présentant d’une manière divertissante. De temps à autre, il offre une perle telle que : « Prenons-en une seule, de ces infinies broderies sur le néant. » Et le tour est joué. Quant à Co[rps]propiété, c’est une histoire raisonné de la relation au temps à mesure que le temps passe. C’est assez bien fait, il faut le reconnaître, mais cousu de fil blanc. C’est certain Magrelli n’écrira pas mon livre de chevet. C’est un truqueur de talent.

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La Société du spectral, Serge Margel, Lignes, 64 p., 14 €.

Le titre parle clair : l’auteur pastiche la Société du spectacle de Debord, ce qui fait du bien, après cette interminable période d’idolâtrie. Mais, en fait, Serge Margel ne s’en prend pas à Debord. Il veut comprendre la place du corps dans notre monde. Et, pour ce faire, de citer Antonin Artaud, Michel Foucault, Jean Baudrillard, Jacques Derrida, mais pas La Mettrie, l’auteur de l’Homme machine. Peu importe d’ailleurs, car là n’est pas la question. L’intérêt de cet essai est de tenter d’aller au-delà de Debord (la société du spectacle) et de Foucault (la société carcérale pour dire les choses vite) et de proposer les bases d’une autre vision. Il commence par une étude étymologique que je trouve parfaitement astucieuse et efficace du mot « machine », et nous fournit les racines grecques et latines : elles nous proposent des sens nouveaux, dont celui d’invention. En outre, il examine le corps comme machine, mais aussi comme instrument de séduction, de sécrétion etc. Mais il souligne surtout le double sens qui nous ramène au charme, donc à la séduction. D’où son excursus sur le glamour au cinéma, qui est un corps qui est et n’est pas tout à la fois. Il en tire ainsi une ébauche de théorie : celle de la « société spectrale », qui me semble une intuition intéressante dont on attend maintenant le développement

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