C’est exclusivement le monde des supermarchés
que semble fréquenter Antonio de Pascale,
que ce soit en deux ou en trois dimensions.
De Pascale est donc un artiste pop ? Mais à l’esprit
de sérieux manifesté par Warhol
faisant imperturbablement refaire des boîtes
de Brillo, il substitue un humour grinçant
et ajoute des éléments de subversion
radicaux. Dans Tempo reale (2004) par exemple,
on croit avoir affaire à une boîte
de cacao à tartiner. Mais, glissée
subrepticement dans la composition, une tronçonneuse
McCulloch présente sa lame agressivement
dentée recouverte de l’onctueuse
préparation. Les boîtes de biscuits
au chocolat au lait « Break » ont
un emballage tendrement mauve. L’illustration
représente une vache dans un alpage
verdoyant sur fond de sommets enneigés.
Mais l’artiste a ajouté ici les
dos de deux hommes munis de mitraillettes qui
se préparent à canarder le bucolique
bovin. Dans une autre version, ce sont des
avions de chasse qui ont envahi la prairie
de l’illustration des « delicate » (chocolats
au lait fourrés) de la même marque
Break.
Allongeons encore un peu la liste : De Pascale,
le Nouveau Pop expert dans l’inoculation
de virus mortels au sein de l’imagerie
de la société de consommation
en vient à l’archétype
même de ladite société :
la boîte de Coca Cola, en tant que signe
planétaire le plus immédiatement
reconnaissable par la totalité des humains
: la voici qui explose en un fascinant feu
d’artifice. Coca Cola, métaphore
du monde, devient l’emblème de
la disparition annoncée du monde. L’art
d’Antonio de Pascale est là peut-être
moins pour constater cette dernière
que pour nous inciter à la conjurer.
La démarche nouveau pop n’est
pas seulement critique, elle est politique
et poétique. Ce n’est pas pour
rien que de Pascale se passionne depuis sa
jeunesse pour le message de Pasolini, et ce
n’est pas davantage pour rien que ce
Napolitain baigne depuis toujours dans l’univers
de Caravage et de Ribera. |