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[verso-hebdo]
25-04-2013
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Souvenirs de Zao Wou-Ki |
La disparition de Zao Wou Ki a été saluée par nombre d’articles fort dignes, mais très semblables quant au fond : le maître abstrait aurait réussi, selon tout le monde, la fusion entre art d’Orient et Art d’Occident. L’intéressé laissait dire de tels propos de son vivant avec le sourire, car il était d’une courtoisie raffinée (je le revois dans un très grand restaurant chinois s’adresser en cantonais au serveur et en mandarin au maître d’hôtel), mais ce n’était sans doute pas si simple. Claude Roy, son ami, préférait indiquer que « dans son domaine l’œuvre de Zao Wou-Ki est l’illustration de ce qu’aurait pu être la peinture chinoise et les Arts en Asie dans un monde un : il est un peintre tout à fait universel et profondément chinois. » Le même auteur, à propos des couleurs très travaillées, très fondues de Zao, que nos modernes critiques s’entêtent à comparer à celles d’Odilon Redon ou Chagall, suggérait de s’en tenir au vocabulaire des spécialistes chinois des pierres dures, « qui ont trouvé d’innombrables métaphores pratiques pour désigner le vert crevette, le vert ciel lavé après la pluie, le rouge sérénité du ciel ou le rouge peau de pêche, le jaune œuf de poisson, le bleu azuré d’ombre, le bleu fouetté... » (dans son livre Zao Wou-Ki aux éditions Cercle d’Art).
En mai 1989, pour un dossier consacré à Zao Wou-Ki par la revue Opus International, j’avais organisé un débat chez lui avec la complicité du poète André Velter, autre ami du peintre, ainsi que la participation du peintre Hervé Télémaque et de l’écrivain Marie-José Lamothe. Claude Roy, n’ayant pas pu venir, nous avait adressé des « paperoles » pour contribuer à l’échange. En entrant dans l’atelier de la rue Jonquoy, dans le 14e, je fus frappé par le fait que l’unique toile en chantier sur le chevalet était environnée, sur les murs, d’une infinité de petites éclaboussures de couleurs. Je remarquai que les murs ressemblaient au tableau, et Zao Wou-Ki me répondit dans un éclat de rire : « Ce serait plutôt le tableau qui ressemble aux murs ! ». Gai, mais secret, adorant plaisanter à propos de lui-même (toujours sa parfaite éducation de fils de mandarin qui lui interdisait de se mettre en avant alors même qu’il avait une très haute et légitime idée de lui-même), il devait assister à notre débat sans pratiquement rien dire, seulement attentif.
C’est André Velter qui tenta le premier de cerner le peintre dans sa spécificité : « Zao Wou-Ki est marginal dans la mesure où il est venu d’ailleurs, attiré par tout ce qu’il pensait trouver ici. Petit à petit, son parcours a été non pas une oscillation entre cette origine orientale et un point d’aboutissement occidental, mais la recherche d’un dépassement. Parti des marges, il est arrivé au centre de la modernité en dépassant cette dernière. Il ne se situe pas, à mon avis, dans la problématique de la modernité mais, parce que nos propres perspectives ont évolué, nous retrouvons ce peintre au centre exact de notre vue alors que lui-même n’a pas changé. » Marie-José Lamothe lui faisait écho en soulignant que Zao « est bien un peintre oriental, qui révèle dans son œuvre tout ce qui fait le sacré de la peinture chinoise. C’est particulièrement net quand on rapproche les tableaux de Zao Wou-Ki des théories des artistes chinois traduites par François Cheng... » Mais c’est en tant que Peintre que Télémaque apportait des précisions techniques : « La modernité en peinture pourrait être rapidement définie par une dissociation couleur/dessin, essentiellement opérée par des artistes constamment nommés par Zao Wou-Ki : Matisse et Léger. Zao Wou-Ki lui-même suscite des questions inévitables : à partir du fait qu’il est Chinois, c’est la question de l’exotisme. À partir du fait qu’il utilise la peinture à l’huile, c’est la question de savoir ce qu’est devenu ce type de technique aujourd’hui. Je lui faisais remarquer récemment que Matisse, qu’il admire beaucoup, utilisait très peu les richesses de la peinture à l’huile. Je soulignerai à propos de Zao Wou-Ki le fait remarquable qu’il essaie de dessiner avec la peinture à l’huile. Il y a là une opération naturelle de synthèse à l’intérieur de ce vieux médium, qu’il est à ma connaissance le seul à pratiquer actuellement. Il y a un mystère de la peinture à l’huile que Zao Wou-Ki assume parfaitement. Il aime visiblement s’y perdre sans faire de théorie, pas plus que de parodie. À la limite il se moque de ce que sa peinture puisse ou non évoquer la Chine. Il est dans une sorte d’alchimie caractéristique de la peinture à l’huile, qui est de plus en plus rarement employée par les autres peintres. On ne trouve pas chez eux cette sorte d’oubli de soi qui me paraît essentiel chez Zao Wou-Ki... » Ce dernier écoutait sans rien dire. Etait-il d’accord ? On ne sait : il se contentait d’observer du coin de l’œil Marie-José qui le prenait discrètement en photo…
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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