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[verso-hebdo]
21-02-2013
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Ceux qui n’aiment pas Dali |
Ce jour de février, queue comme d’habitude au rez-de-chaussée du Centre Pompidou pour voir l’exposition Salvador Dali. On apprend par haut parleur, en arrivant au 6e étage qu’il « faut compter 45 minutes d’attente, même pour les titulaires du pass prioritaire ». Ces derniers grognent un peu : c’était bien la peine de faire des frais pour pouvoir entrer tranquillement ! Toutes ces personnes, qui assurent le triomphe de l’exposition, ont dû être attirées par l’argumentaire alléchant du musée : Dali n’est-il pas « l’un des artistes les plus controversés, souvent dénoncé pour son cabotinage et ses prises de position politiques provocatrices » ? Ses œuvres surréalistes, poursuit l’argumentaire, ne sont-elles pas de minutieuses transgressions, « où chaque détail compte : invisibilité du père, mère blasphémée, masturbation, amollissement des objets... ». On se réjouit pour le Musée National d’Art Moderne qui remplit sa caisse, mais a-t-on songé que Dali a été récusé par les plus sérieux collectionneurs du XXe siècle, privés et publics ?
Dans la première catégorie, on trouve Dominique de Menil, dont on a pu prendre, en France, la mesure de la collection en 1984 grâce à l’exposition La Rime et la Raison au Grand Palais. Exposition somptueuse, mettant en relief trois grands domaines : les civilisations occidentales antérieures à la Renaissance, les arts primitifs, et l’art moderne d’Amérique et d’Europe. Dominique de Menil était assez riche pour acheter tout ce qui correspondait à son goût, à la fois subtil et éclectique : « Longtemps j’ai repoussé l’idée de collection. Le mot même me paraissait chargé de prétentions. Il impliquait des partis-pris, je n’en voulais aucun. Découvrir des trésors, les ramener chez soi, si possible, oui mais comme on fait un bouquet, sans trop réfléchir, au gré des pas et pour la joie des yeux... » Par exemple, attentive au surréalisme et au dadaïsme, elle avait rassemblé plusieurs tableaux de Max Ernst et de Francis Picabia, mais de Dali, aucun. N’est-ce pas significatif ?
Dans la deuxième catégorie figure Edy De Wilde, directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam qui, au terme d’une carrière de 45 années, a réuni en 1985 ses quarante-cinq artistes modernes préférés dans La Grande Parade (hommage au tableau de Fernand Léger). Chef d’une grande institution, De Wilde a pu emprunter tout ce qu’il a voulu (y compris le Léger, venu du Guggenheim de New York) : Bonnard, Braque, Matisse, Rothko, Pollock, Bacon, Giacometti, Miró, Picasso… mais de Dali, point. Le promoteur de la gare de Perpignan n’était pas jugé digne par Edy De Wilde de figurer parmi les meilleurs artistes de la modernité. Peintre, Dali n’aura été qu’un faiseur (« personne qui cherche à se faire valoir ; hâbleur » dit le Larousse). Faiseur parfois techniquement habile, et surtout fécond dans l’ordre de la provocation, comme en témoigne notamment l’encre sur toile Parfois je crache avec plaisir sur le portrait de ma mère, phrase prononcée par une silhouette de Jésus-Christ. Cela date de 1929 : Dali serait donc le précurseur des faiseurs contemporains Delvoye, Hirst et autres Cattelan qui ont érigé la provocation en système pour acquérir gloire et fortune (« Il y a une débilisation de notre culture, et j’en suis le complice » a avoué Wim Delvoye dans Le Monde du 31 mai 2012). On comprend que la foule se précipite au Centre Pompidou : elle y est dans l’air du temps.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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