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[verso-hebdo]
16-01-2013
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Marie-Claude Bugeaud, l’artiste authentique
Au moment même où je lis avec quelque accablement un article du Monde titré « L’art comique, cette bonne blague » notamment consacré aux drolatiques réalisations de MM. Maurizio Cattelan et Wim Delvoye, dont on peut dire absolument tout ce que l’on veut sauf qu’elles ont une quelconque valeur esthétique, je reçois le dossier de presse de la prochaine exposition de Marie-Claude Bugeaud et je me dis que voilà une artiste rare, une artiste dont la quête silencieuse se déploie maintenant sur plusieurs décennies, à la recherche de quelques indicibles sensations d’une sorte particulière : elles nous aident à éclairer le jugement de valeur esthétique. Rappelons tout de suite ce que les meilleurs commentateurs de son œuvre n’ont pas manqué de souligner : cette artiste douée, qui connaît parfaitement les ficelles du métier et en particulier la technique du dessin, s’est toujours méfiée « vis-à-vis des risques de l’élégance » (Pierre Wat). C’est ce qui rend sa démarche précieuse et nécessaire en ces temps où triomphent sur les estrades de l’art des champions de l’esbroufe, anciens et actuels.

Sur un fond d’un rouge intense, quatre doigts féminins tracés en noir apparaissent en transparence sous une étoile de mer posée par un pinceau léger porteur de blanc. Cela s’appelle Soleil d’Arone (162 x 130 cm, huile sur toile, 2012). Je ne sais pas s’il s’agit d’un souvenir d’été en Corse du Sud, mais je comprends immédiatement que l’essence de cet objet lui est une norme. Une norme qu’il a imposée à sa créatrice, celle de l’authenticité. Je ne peux pas dire quelle est la norme de l’objet esthétique en général, puisqu’elle est inventée par chaque objet, qui n’a d’autre loi que celle qu’il se donne à lui-même, mais je peux dire au moins, devant chaque pièce de Bugeaud que, quels que soient les moyens d’une œuvre, la fin qu’elle se propose est à la fois la plénitude de l’être sensible et la plénitude de la signification immanente au sensible.

Or l’œuvre n’est vraiment signifiante, de la façon qu’elle peut l’être, que si l’artiste est authentique : elle ne parle que si ce dernier veut vraiment dire quelque chose. Souvenons-nous de Malraux (naguère la risée des historiens de l’art « sérieux », mais dont les fulgurantes intuitions retrouvent curieusement aujourd’hui droit de cité) : « Nous n’osons appeler sans remords chefs-d’œuvre que les œuvres qui nous font croire, aussi secrètement que ce soit, à la maîtrise de l’homme ». Nous y voilà : cette maîtrise ne peut nous être suggérée que par l’authenticité de l’artiste, c’est-à-dire de l’objet esthétique dont il est responsable. Devant La nuit avec Diego, autre toile de 2012, j’éprouve le fait que la norme de l’objet esthétique, c’est sa volonté d’absolu. C’est bien dans la mesure où ce tableau proclame et accomplit cette norme qu’à son tour il devient une norme pour la perception esthétique : il lui assigne la mission d’aborder l’objet sans aucun préjugé et de faire la preuve de son être.
Ainsi, je ne dis pas de moi-même que les tableaux de Marie-Claude Bugeaud sont beaux, je témoigne de l’expérience vécue dans l’atelier de Malakoff il y a déjà longtemps (c’était en mars 2000) : ce sont les tableaux devant moi qui en ont décidé ainsi, car le jugement esthétique s’accomplit dans l’objet plutôt qu’en nous. On ne définit pas le beau, on constate ce qu’est l’objet, et cela suffit. Rendez-vous à la galerie Djeziri-Bonn, 47 rue de Turenne, à partir du 7 février.
( marieclaude.bugeaud.free.fr/)
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
16-01-2013
P.S. Le numéro 66 de Verso est en ligne. Ne rien manquer, surtout pas en particulier le dossier sur le peintre Benjamin Lévesque dit Benjamin et le texte de Luc Ferry sur les photographies stupéfiantes de Philippe Monsel au Louvre !
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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