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[verso-hebdo]
26-01-2012
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Stéphanie Vialles : il n’y a pas de mauvais sujet pour la peinture |
Saviez-vous que le magazine Nous Deux existe toujours ? Je croyais « l’hebdo qui porte bonheur » et ses romans-photos d’une absolue niaiserie enterrés par les séries télévisées et autres techniques modernes de divertissement pour personnes ayant peu d’exigences culturelles. Eh bien pas du tout : Nous Deux est toujours en kiosques, avec cette semaine en couverture la pulpeuse chanteuse Chimène Badi qui se propose de nous dire pourquoi elle « aime enfin sa nouvelle vie ». Et saviez-vous qu’une artiste contemporaine, Stéphanie Vialles, a fait du contenu de Nous Deux l’une de ses principales sources d’inspiration et que, par une fascinante chimie, ce contenu est effectivement devenu peinture ? Pour le vérifier, il faut se rendre au Pavillon, à Pantin et cela en vaut la peine (bien faire attention aux heures d’ouverture, qui sont rares ; c’est au métro Hoche, jusqu’au 9 février).
J’ai visité l’atelier de Stéphanie Vialles au début de ce siècle, elle s’attachait alors aux pavillons de banlieue, mais aussi aux piscines de maisons cossues, tels qu’ils étaient présentés par les annonces des agences immobilières, en laissant systématiquement blanche la bande inférieure réservée au texte de présentation. Déjà, c’était de la peinture qui surmontait la banalité du sujet par un traitement étrangement personnel. Depuis lors, l’artiste est tombée sur une pile de Nous Deux près de son atelier. « J’ai tout de suite pensé à mon arrière-grand-mère, dit-elle, qui lisait Nous Deux, elle le lisait dans la courette de son immeuble à un petit groupe de femmes qui ne savaient pas lire... » Cette découverte a été un déclencheur : « cette fiction de seconde zone m’offrait d’un coup une réalité et le sentiment que se jouait là un certain désarroi, un dénuement dont les personnages portaient la présence. Ces personnages stéréotypés se chargeaient d’une certaine solitude et projetaient un éclairage inattendu sur le réel ».
Des séries se sont enchaînées : les Portraits, les Couples et les Caresses principalement, où Stéphanie Vialles répète les scènes, les recadre, pratiquant des « ouvertures » dans ces images photographiques qui se présentent comme des espaces figés, saturés. À propos de l’une de ses récentes expositions, Bernard Marcadé a judicieusement cité Roland Barthes qui écrivit dans Fragments d’un discours amoureux que « Nous Deux - le magazine - est plus obscène que Sade » car « ce n’est plus le sexuel qui est indécent, c’est le sentimental ». L’écrivain précisait que « le sentiment amoureux est démodé, mais ce démodé ne peut même pas être récupéré comme spectacle : l’amour choit hors du temps intéressant ; aucun sens historique, polémique, ne peut lui être donné ; c’est en cela qu’il est obscène. » Telle est l’improbable matière première de Stéphanie Vialles : l’imagerie sentimentale « la plus plate » qu’elle manipule par ses mises en scènes et découpages. « C’est ça se ménager des espaces ». Soit par exemple le geste d’un jeune homme au physique banal esquissant une caresse sur la joue d’une jeune fille écarquillant ses yeux bleus avec application : le peintre a modifié le cadrage de la photographie pour cerner « plus étroitement les multiples attaches qui se nouent entre le réel et la fiction ». La peinture à l’huile ménage un léger flou. Au final, nous éprouvons bel et bien ce qu’a voulu atteindre Stéphanie Vialles : une tension entre « le vide de l’image pauvre et la présence en fiction d’êtres réels ». Robert Rauschenberg avait décidément raison : il n’y a pas de mauvais sujet pour la peinture.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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