Mais la cire a reçu ses lettres de noblesse dans un autre domaine, celui de la médecine. Dans les premiers temps, menacés par les foudres de l’Eglise, les médecins avaient commencé à observer les différents organes et l’ensemble du système sanguin, nerveux et osseux. Ils dessinèrent ce qu’ils virent. Ce dessin devint de plus en plus sophistiqué, précis, mais se vit aussi attribuer une dimension esthétique. Et la peinture a joué son rôle dans la question car ell
II
Tout commence (un peu plus tard dans l’histoire et, en ce qui nous concerne, dans l’histoire de l’art,) par la mise en scène et l’interprétation biaisée de la vile action de Judas. Elle est montrée sans cesse dans les enluminures du Moyen Age. Von nombre de psautiers en latin du treizième siècle, sans parler des fresques et des sculptures ornant les chapiteaux des églises et des cloîtres l’illustrent avec des détails caricaturaux pendant cette longue période. Ces commentaires peints sur les parchemins, gravés, taillés dans la pierre, aboutissent chaque fois à une conclusion à double tranchant : l’argent (donc l’or) a un pouvoir maléfique – l’argent (donc l’or) est regardé avec le plus grand mépris et est inexorablement lié aux Juifs, tenus pour responsables de la mort du Fils de Dieu par le truchement d’un Judas diabolisé.
Dans l’iconographie religieuse catholique, à la figure néfaste de Judas contraste celle du percepteur Lévi qui percevait les impôts sur les poissons destinés au marché de Jérusalem à la sortie de Capharnaüm : « Je suis sorti et vit un publicain assis qu bureau des impôts. Et il lui dit : Suis-moi ! Ayant tout laissé, il se leva et le suivit. » (Luc, 5,17). Jésus l’appela Matthieu. Il est souvent représenté dans la peinture du seizième siècle, comme le prouvent la Conversion de saint Matthieu de Marinus van Roejmerswaelen et la Vocation de saint Matthieu de Jan van Gemessen. Plus tard, c’est le Caravage qui s’attacha à cet événement extraordinaire puisque aucun mot n’est échangé entre le Messie et le futur évangéliste qui abandonne sans la moindre hésitation une condition privilégiée, ses collègues, ses biens et ses proches. Dans ces deux peintures, comme dans tant d’autres, l’or tient une place centrale, alors que les marchands et les percepteurs s’activent autour du comptoir.
Le devoir de charité, qui est l’une des vertus cardinales imposées par l’Eglise, s’accompagne de l’opprobre jeté sur la richesse en général, et donc sur tout ce qui est du ressort de l’argent. Dans De bonnes mœurs du frère Jacques le Grant, un manuscrit français du quinzième siècle, dédié au duc Jean de Berry (il avait la réputation d’être une grande avidité), on découvre une planche intitulée « Comment les riches ne doivent point se glorifier de leur richesse » : le puissant seigneur voit le Christ lui apparaître. Il après de lui deux coffres ouverts, deux sacs pleins à ras bord et, derrière lui, une table couverte d’objets précieux et de monnaies. Pour une autre planche appartenant à ce même ouvrage, l’auteur a choisi un titre qui constitue le pendant de la précédente : « Comme l’état de pauvreté doit être agréable à Dieu ». Cette fois, un homme vêtu de bleu est assis dans un grand tonneau, à l’instar de Diogène, les avant-bras posés sur le genou ; un autre homme, non loin de lui, entièrement vêtu de rouge, lette des sacs remplis d’or dans un cours d’eau et l’on voit un coffre flotter dans une eau grise, presque noire.
À la fin du quinzième siècle, Jérôme Bosch peint la Mort de l’avare – une mort pour le moins tourmentée. Il traite un sujet assez proche dans les Péchés capitaux. De la réprobation de l’opulence financière à l’attachement immodéré pour les biens terrestres en passant par la condamnation de l’avarice, un vice odieux par excellence, le glissement de sens est très marqué : la fortune n’est plus regardée comme un mal absolu, seule la cupidité excessive est réprouvée.