Le titre d’un livre sur l’œuvre poétique de Fernando Pessoa, Fragments d’un voyage immobile (5), pourrait qualifier l’œuvre de Robert Groborne et, pour ce qui nous occupe ici, son travail photographique. L'oxymore "voyageur immobile'' a d'ailleurs été utilisé récemment dans un livre écrit par Isabelle Monod-Fontaine (6) consacré à l'oeuvre de Robert Groborne et dans lequel la photographie était abordée. Un des ouvrages de l'artiste intitulé Barcelone (7) illustré de polaroïds réalisés lors d'un séjour dans cette ville y est d'ailleurs cité.
Comme le ''journal illisible'', le "voyage immobile" pourrait renvoyer à deux matériaux essentiels, à savoir la mémoire et le rêve. Tous deux produisant, l'un des souvenirs, l'autre des visions, ils permettent de relier le journal à la photographie et vice-versa. Intrinsèquement liés, le travail de la mémoire et celui du rêve, de par leur capacité à générer des images avec pour modes opératoires, la condensation, l'altération, l'inachevé ou le fragmenté, peuvent dialoguer de façon privilégiée dans le journal photographique.
Journal et photographie, entendus comme deux formes compressives du temps ici combinées, procèdent à sa mise à plat. Ils créent de ce fait un nouvel objet à partir d'un même matériau, le temps, en en proposant un nouvel agencement plus acceptable. Enregistré par le Polaroïd, régulé par la chronologie, le temps semble davantage à échelle humaine par l'illusion de sa maîtrise.