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Anders est un être en manque d’amour, il a jusqu’ici eu le courage de souffrir la vie. Sa domination apparente ne sera pas à toute épreuve. Connecté à lui au plus profond de son âme, on ne peut avoir de recul et dissocié notre point de vue du sien jusqu’au moment ou un personnage extérieur va le replacer dans son contexte, et dans le nôtre par la même occasion. En quête perpétuelle d’un contact téléphonique avec son ex-amie qui ne répondra jamais, on comprend que sa vie d’héroïnomane l’a empêché d’être en phase avec la conséquence de ses actes.
Sa supériorité sera une première fois affirmée lorsque Thomas avoue, en premier lieu pour rassurer son ami, puis réalisant qu’il s’agit de vérité, que sa vie n’est pas un modèle, que le bonheur n’est pas au rendez-vous tous les jours. Pour appartenir à ce monde qui les entoure, Thomas accepte sa condition et se soumet à la satisfaction de ce qu’il possède. Bien installé selon les codes classiques de la vie occidentale, il a un travail de recherche littéraire, une femme et deux enfants. Sa force de jeunesse s’est perdue en même temps que ses ambitions d’écriture ; son réconfort, il le trouve en jouant à Battlefield avec sa femme.
Joachim Trier est un exemple pour tous les jeunes cinéastes. Il filme avec une modernité remarquable tout en s’inspirant de la littérature classique.
Les essais présents tout au long du film rappellent avec justesse qu’il s’agit de sensations et d’émotions plus que de démonstration. Le réalisateur se permet des choses que peu aujourd’hui osent encore dans des productions de même ampleur.
Lors de son errance dans les rues d’Oslo, Anders s’arrête dans un café, ses émotions ne peuvent plus être retenues.
Son besoin de comprendre le monde qui l’entoure et pourquoi il n’en fait pas partie se traduit par une focalisation de l’image et du son sur des éléments présents dans le café.
Sa vue et son ouïe deviennent les nôtres, la caméra observe distraitement les différentes personnes étrangères à l’histoire et présentes dans le café, on entend même leurs conversations. Le son de ce que l’on voit va être isolé pour sortir du bruit ambiant de ce lieu, tout comme l’oreille humaine le fait. On s’aperçoit très rapidement que la caméra peut sortir du café et le son y rester ou inversement. On bascule alors dans la pensée d’Anders, dans sa sensation.
Cette scène brillamment réussie nous rappelle celle de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda ou Cléo, dans un café observe et ressent de façon proche ceux qui l’entourent.