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[verso-hebdo]
08-12-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Les Portraits de villes par Birga |
« Portraits de villes » : tel est le titre de l’exposition de Sergio Birga au centre d’art Maison du Cygne de Six-Fours-les-Plages dans le Var (jusqu’au 8 janvier). Le peintre florentin reprend ainsi une très ancienne inspiration de la peinture, qui imagina tôt des villes mythiques : Jérusalem céleste de Van Eyck ou terrestre de Mantegna, Babel rêvée par Brueghel, Alexandrie de la prédication de Saint Marc fantasmée par Gentile et Giovanni Bellini, petite Cana du miracle de Jésus sublimée en une cité monumentale par Véronèse... Mais c’est à la moins spectaculaire tradition de la ville réelle attentivement observée que se réfère Sergio Birga : celle de Carpaccio devant Venise ou, surtout, de Corot dessinant et peignant inlassablement des vues romaines. Ville réelle observée, mais aussi poétisée : ce n’est pas par hasard que l’on a pu parler du réalisme magique de Birga, et que l’on a rapproché certaines de ses œuvres de celles de De Chirico (la Gare Montparnasse de ce dernier en 1914, et la Gare de Colmar du premier en 1982, notamment).
Au centre de l’exposition varoise, on remarque particulièrement un tableau représentant une petite rue sans trottoirs : nous savons que nous sommes à Rome car cette ruelle débouche sur le Colisée. Mais du célèbre monument, nous ne voyons qu’un fragment. Comme chez François-Marius Granet, présent dans la ville éternelle entre 1806 et 1811, jamais les constructions célèbres ne sont données en totalité : c’est par exemple l’Eglise Saint Bonaventure « vue à travers une arche du Colisée » qui intéresse Granet, mais non la Basilique Saint Pierre ou le Château Saint-Ange dans leur intégralité. Même attitude chez Birga qui, comme Granet, traite en mineur ce que les védutistes du XVIIIe siècle avaient célébré sur un mode majeur. Le rapprochement avec Corot s’impose aussi : ce que Paul Valéry disait de ce dernier correspond bien à ce que l’on constate chez Birga : « l’arbitraire raisonné (la composition) substitue aux conventions inconscientes qu’entraîne l’imitation pure et simple de ce qu’on voit, une convention consciente, laquelle (entre autres bienfaits) rappelle à l’artiste que ce n’est pas la même chose de voir ou concevoir le beau et de le faire voir ou concevoir. » ( www.birga.fr)
C’est ainsi : au XXIe siècle, nous avons au moins un peintre qui s’attache simplement à transposer le réel en peinture en synthétisant les motifs et les lumières pour tenter d’atteindre l’essence même de la picturalité. Sergio Birga, qui n’oublie pas qu’il fut le principal représentant en France du mouvement dit de la pittura colta, travaille moins pour être considéré comme un artiste « contemporain » que pour mériter le compliment adressé par Baudelaire au Corot des vues romaines : « Ses compositions toujours dénuées de pédanterie ont un aspect séduisant par la simplicité même de la couleur ». Le talent de coloriste de Birga, portraitiste des villes, est particulièrement remarquable dans ses nocturnes : depuis le Bar de la Liberté aperçu dans le XIXe arrondissement en 1995 jusqu’à Nocturne, une méditation sur les toits de Paris aux alentours de la rue Sainte-Apolline en 2003, Birga développe une manière très personnelle, mélange du clair-obscur nordique et du maniérisme toscan dont l’écrivain Dominique Fernandez a bien vu l’intérêt : « Peinture ambitieuse, hautaine, littéraire au meilleur sens du terme, qui atteste la poursuite d’un grand rêve visionnaire : accorder passé et présent dans une synthèse harmonieuse... » Sergio Birga, l’amoureux des villes, ne se contente pas d’y voir de la beauté : par le filtre de sa peinture, il nous la fait concevoir et voir à notre tour.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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