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[verso-hebdo]
01-09-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Gérard Fromanger : tutoyer les génies |
4 août 2011 : je suis à La Roque d’Anthéron où la pianiste chinoise Zhu Xiao-Mei, accompagnée par l’English Chamber Orchestra, joue deux concertos, de Haydn et Mozart. Il y a là plus de deux mille spectateurs saisis par une émotion extraordinaire, palpable : sans partition, les yeux fermés, Xiao-Mei n’ « interprète » pas la musique, elle la recrée dans un dialogue intime avec les deux compositeurs. Elle tutoie littéralement ces génies, et l’on comprend le triomphe que lui fait un public de mélomanes venus de partout, qui cette nuit auront été comblés. Cet après-midi même, j’étais à quelques kilomètres de là, au musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence, qui présente une rétrospective Gérard Fromanger, et je me dis ce soir que ce n’est pas un hasard si Gérard est un grand ami de Zhu Xiao-Mei, son seul grand ami peintre en tout cas. Ne tutoient-ils pas tous deux les génies, chacun à sa façon ?
Je m’explique. De 2005 à 2009, une grande rétrospective Fromanger a circulé à travers le monde, de Séoul à La Seyne-sur-Mer, de Luxembourg à La Havane, du musée des Beaux-Arts de Nancy à celui de Rio de Janeiro (j’en passe)… Dans aucun de ces lieux, à ma connaissance, le peintre n’a montré les deux petits tableaux qui ouvrent l’exposition du musée Estrine, hautement significatifs. Il les a peints en 1955, à l’âge de seize ans. Il s’agit de deux élégantes variations, la première sur le cubisme de Braque, la seconde sur le monde de Picasso. Le très jeune peintre ne s’est pas contenté d’attraper les styles caractéristiques des deux maîtres, il a unifié les deux tableaux par l’apport très personnel de la couleur, sa couleur, lui qui place aujourd’hui son exposition sous le signe de l’écharpe d’Iris, la déesse de toutes les couleurs. Oui, Gérard a tutoyé d’emblée les génies : les deux tableaux ne sont-ils pas intitulés, sans impertinence mais avec une réjouissante familiarité, l’un « Bonjour Monsieur Braque » et l’autre « Bonjour Monsieur Picasso » ?
L’exposition de Saint-Rémy-de-Provence permet surtout de comprendre autre chose : capable de tutoyer les génies dès l’adolescence, Gérard Fromanger a réussi par la suite à complètement s’en affranchir. C’est là sa profonde originalité d’artiste, c’est là qu’il se distingue radicalement de ses contemporains, y compris ses camarades de la Figuration narrative. Réunis par mes soins en 1983 pour répondre à la question suivante : « Quels sont vos maîtres en peinture ? Accepteriez-vous de les désigner picturalement ? », ils avaient tout naturellement répondu, par exemple Arroyo en citant Picabia, Monory en rendant hommage à Manet et au cinéaste Howard Hawks, Klasen et Erró en se référant l’un à Schwitters, l’autre à Fernand Léger etc… Et Fromanger ? Ce dernier laissa vierge sa page du catalogue, envoya un de ses tableaux dans sa manière du moment (c’était la série Lüftlmarelei), l’intitulant Ni Dieux ni maîtres… Les peintres d’hier et d’aujourd’hui sont sa famille, plus quelques intellectuels de la grande espèce dont il fut proche (les portraits de Gilles Deleuze et Michel Foucault sont là pour le rappeler), mais, farouchement libre, il n’a jamais subi l’influence de quiconque (hormis Giacometti dans les toutes premières années). Il suffisait de parcourir les salles du très joli hôtel Estrine cet été pour tout au moins le deviner. C’est le cas de Zhu Xiao-Mei qui ne comprend peut-être pas tout devant cette peinture, mais qui a repéré depuis longtemps en son ami Gérard un artiste du même calibre qu’elle.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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