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[verso-hebdo]
06-10-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Denis Rivière, la passion vivante de la peinture |
Denis Rivière est un peintre connu pour ses séries souvent spectaculaires sur des thèmes comme, assez récemment, les Ciels observés tout autour du monde, la guerre du Liban ou les sacs-poubelles, ces objets en plastique noir si ordinaires dont Rivière a su tirer des effets plastiques extraordinaires. Cet artiste hors normes vient de montrer, de manière un peu trop fugitive dans les locaux d’une association pour l’art contemporain à Montreuil (APACC) une remarquable double série représentant, d’une part ses voisins du village de Coincy où il réside, d’autre part quelques-uns de ses amis peintres. Ces derniers m’ont fasciné, et je voudrais dire pourquoi, même si ce n’est pas facile à propos du travail de Denis Rivière qui prend la précaution d’écrire en tête de son site : « L’hermétisme apparent des œuvres d’art n’a que faire des beaux discours. Alors découvrez sans tarder l’œuvre d’une vie. »
Au milieu de ces portraits de peintres, celui d’Herman Braun-Vega - beau port de tête, cheveux blancs, vêtements noirs - m’a immédiatement renvoyé à 1977, galerie Lucien Durand, où Braun-Vega entamait sa propre série d’artistes, parfois les mêmes, mais trente quatre ans plus tôt. Le souvenir et la présence du grand peintre péruvien donnent une force émouvante au sujet implicite de Rivière : le drame humain du temps qui passe.
Ce qui me passionne depuis longtemps chez Denis Rivière (tant pis s’il s’agit à ses yeux d’un discours de plus), c’est l’extrême tension de la lutte qu’il mène contre son propre savoir pour qu’advienne le corps de la jouissance dans la peinture. C’est-à-dire : ce qui annule le travail en même temps qu’il le légitime. On s’explique ainsi que Bernard Rancillac, par exemple, ne soit peint que de la tête à la taille, le reste du corps étant simplement dessiné. Assis ou debout, chaque personnage représenté est séparé de tout ce qui l’environnait : ni accessoires, ni siège, ni fond sinon une étendue monochrome. Chacun, pourrait-on dire, est dans sa vérité nue saisie par l’œil infaillible de Rivière : Télémaque pathétique, dissimulant son bras paralysé, Vélickovic les mains sur les hanches, roulant des yeux interrogateurs, Klasen à la silhouette alourdie, souriant avec bonhomie. Tout cela semble rendre songeur Philippe Garel, avec son fils derrière lui : Quentin, dont l’énorme talent lui a déjà permis de se faire un prénom.
La forte présence de Quentin Garel parmi ces effigies peut être comprise comme un signe d’espoir : la relève sera assurée, la peinture continuera sa route. Cette série n’est finalement pas désespérée : elle constitue un acte de foi. Déjà, au début du XXe siècle, des artistes aussi considérables que Bonnard déclarant que « l’art est une passion périmée » et Malevitch renchérissant en prédisant que l’art ne serait bientôt plus qu’un « préjugé dépassé » se sont lourdement trompés. De toute façon, les vieux de la vieille représentés par Rivière sont loin d’avoir dit leur dernier mot : comme lui-même, ils peignent toujours ! L’actuelle exposition de Télémaque, galerie Louis Carré, est triomphale. On prépare, pour la mi-novembre, une grande rétrospective Vélickovic aux Abattoirs de Toulouse… ce ne sont que des exemples. Avec Denis Rivière et les amis à qui il a choisi de rendre hommage l’art n’est pas mort, puisque la peinture est, autant qu’hier, une passion vivante.
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J.-L. C. jl.chalumeau@usa.net 06-10-2011 |
P.S. L’exposition « En son absence », photographies bouleversantes de Michaël Duperrin à la mémoire d’une disparue, est à ne pas manquer dans les salles bibliothèque MK2 (gratuit) jusqu’au 14 octobre ; heureuse initiative de Marin Karmitz. |
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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