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[verso-hebdo]
07-01-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Charles Saatchi et ses méthodes |
Tout le monde sait que l’ex-publicitaire Charles Saatchi, qui fit fortune jadis en organisant la communication de Margaret Thatcher ou celle du régime de l’apartheid en Afrique du Sud, est devenu l’un des principaux acteurs de ce qu’il est convenu d’appeler l’art contemporain vers 1978, quand il rencontra Julian Schnabel. Dans un petit livre sorti juste avant les fêtes (« Mon nom est Charles Saatchi et je suis artoolique »), il revient sur cette découverte historique par lui-même d’un jeune artiste prometteur : « Il était superbe dans la certitude de son propre génie... » en oubliant cependant de signaler que c’est par la marchande Mary Boone et, surtout, grâce aux conseils avisés du mari de cette dernière, Léo Castelli, qu’il avait pu financer le prodigieux démarrage de la carrière dudit génie, recueillant peu après les juteux profits de l’opération. Aujourd’hui, Schnabel n’a plus la cote d’il y a trente ans et s’est reconverti dans le cinéma...
Saatchi, donc, présente actuellement au Tri postal à Lille (jusqu’au 23 janvier) les derniers développements de sa collection, centrée sur des artistes venus de Chine, Inde, Iran, Irak, Syrie et Algérie (d’où le titre « La Route de la soie »), dont les œuvres, nous précise le journal Le Monde, « font partie de celles qui excitent le plus les spéculateurs de l’art mondial ». Diable ! Nous apprenons que les tableaux d’encens de Zhang Huan, ou le cœur de baleine sculpté par Barti Kher sont de cette sorte. Sans doute en est-il de même des figures féminines nues, pendues par un ou deux pieds au plafond, couvertes de plaies sanguinolentes, réalisées par le chinois Zhang Dali qui ne néglige rien depuis dix ans pour attirer l’attention. L’auteure de l’article du Monde, Emmanuelle Lequeux, pose tout de même la question de savoir s’il ne faudrait pas s’étonner de ce qu’une municipalité socialiste comme Lille « convoite de l’art pour milliardaires », mais se laisse aussitôt rassurer par Caroline David, responsable des arts visuels de la ville : « ces collections privées sont des sources inespérées, composées par des gens qui achètent merveilleusement bien... »
En effet, M. Saatchi achète fort bien, et revend encore mieux, en sachant profiter des vitrines que lui offrent les lieux institutionnels tels que le Tri postal aujourd’hui, ou le Musée National d’Art Moderne hier, pour valoriser les pièces - généralement à vendre - de ses collections. Caroline David et Emmanuelle Lequeux ne semblent pas se souvenir qu’en 1987 par exemple, la fameuse exposition du Centre Pompidou, L’époque, la mode, la morale, la passion était en grande partie composée par des œuvres appartenant à Charles Saatchi, signées Richard Artschwager, Georg Baselitz, Anselm Kiefer, Malcolm Morley, Bruce Nauman, Sigmar Polke, David Salle et naturellement Julian Schnabel (j’en oublie peut-être). Je suppose que les commissaires désignés de l’exposition, notamment Bernard Blistène et Alfred Pacquement, n’étaient pas particulièrement fiers de voir leur musée prêter naïvement la main à la promotion des poulains de Saatchi, puisqu’ils avaient pris la courageuse initiative de publier dans le catalogue la traduction d’un article essentiel de Thomas Lawson (dans Artforum de mars 1986) qui décrivait avec précision les méthodes par lesquelles Charles Saatchi mettait systématiquement les institutions muséales au service de ses intérêts de collectionneur-marchand. Un article édifiant dont on peut suggérer la lecture à Martine Aubry, maire de Lille, et surtout à sa responsable des arts visuels, même si c’est un peu tard.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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