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[verso-hebdo]
24-03-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Ce que les dessins des maîtres disent, caché dans leur peinture |
Abandonnons pour une fois les péripéties de l’art contemporain : vous avez jusqu’au 6 juin pour venir au Louvre vous abandonner à la contemplation des dessins d’un maître du baroque romain au XVIIe siècle, Pietro da Cortona (1596-1669) que nous appelons Pierre de Cortone (premier étage du Pavillon Denon, tous les dessins cités ici peuvent être vus sur www.photo.rmn.fr, le site d’accès gratuit de la Réunion des Musées Nationaux auquel il suffit de demander Cortone). Dans une préface aussi savante qu’éclairante, Bénédicte Gady nous rappelle que Cortone, en principe formé par Andrea Commodi et Baccio Ciarpi, avait en fait un maître choisi, appartenant à une génération qui l’avait précédé : Lodovico Cigoli (1559-1613). C’est ce qui apparaît dans le Jupiter chassant Apollon de l’Olympe, comme le signale la commissaire, mais tout aussi bien, me semble-t-il dans le somptueux Buste de femme nue, une étude à la sanguine pour le buste de sainte Bibiane que l’artiste se proposait de peindre dans la scène de la flagellation inscrite dans les fresques commandées par le pape Urbain VIII pour l’église Santa Bibiana de Rome.
De même que Cigoli cherchait, à la pierre noire, les justes positions des épaules, des bras et des jambes de sa Psyché endormie, Cortone laisse courir son bâton de sanguine le long des bras de sa Bibiane, surlignant le contour qui a atteint la perfection, puis travaillant légèrement le modelé en se contentant de nuancer des valeurs, sans traits supplémentaires. C’est merveilleux d’aisance et de sensualité. Cigoli se préparait à réaliser la fresque de l’Histoire de Psyché pour le Cardinal Scipion Borghèse, Cortone allait de son côté peindre pour le pape : l’un et l’autre ont alors atténué le pouvoir de suggestion charnelle exprimé à l’état pur par leurs dessins. Le dessin, chez Cigoli et Cortone, fait apparaître une sensualité qui n’est plus perceptible avec la même intensité dans leur peinture.
Cortone démontre encore qu’il est un dessinateur de génie dans sa Femme drapée. Etude pour la Divine Providence, à la pierre noire avec des rehauts de craie blanche, préparatoire à la grande fresque allégorique du salon du palais Barberini destinée à célébrer la gloire d’Urbain VIII et de sa famille. À l’évidence, ce dessin a été exécuté avec une extrême rapidité. L’artiste doit jouer avec une vue en très forte contre-plongée (il s’agira d’un plafond) et il suggère avec une incroyable maîtrise un espace en profondeur tel qu’il sera perçu par les spectateurs : la hauteur des jambes noyées dans un drapé majestueux est quatre fois plus importante que celle du torse. Jamais on n’a vu jusque là des raccourcis aussi saisissants. Cortone mérite le titre d’inventeur du baroque romain qui lui est généralement donné : dans ses dessins nous le voyons littéralement grisé par sa propre maîtrise graphique. Comme pour la sensualité dans le torse de sainte Bibiane, cette maîtrise sera largement effacée dans la peinture. Voilà pourquoi les dessins des maîtres en général, et ceux de Pierre de Cortone en particulier, ont souvent des choses à nous dire, que leur peinture est obligée de nous cacher.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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