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[verso-hebdo]
17-03-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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SIGN7, artiste contemporain |
En août 1863, la famille d’Eugène Delacroix annonça son décès en lui donnant, dans le faire-part, le titre de « peintre d’histoire ». C’était légitime, même si Delacroix avait été bien plus que cela, et socialement nécessaire, car cette dénomination était alors la plus prestigieuse.
Aujourd’hui, un artiste aux talents et aux modes d’expression aussi remarquables que variés (un peu comme Delacroix en son temps) choisit un pseudonyme : SIGN7, et un titre : Artiste Contemporain, avec deux majuscules. Cette revendication délibérée est très intéressante car elle pointe la situation inédite dans laquelle sont placés les plasticiens d’aujourd’hui. Retenons trois exemples caractéristiques de la démarche de SIGN7.
Premièrement, lors du 61e festival de Cannes, en 2008, des grenouilles en or conçues par SIGN7 ont investi la plage du Carlton au Crystal-Beach Chopard tandis qu’une série de groupes de quatre lettres rouges traçant le mot LOVE se détachait sur le ciel. Difficile de concevoir une installation plus « contemporaine » pour traduire l’essence de Cannes au moment de son festival.
Deuxièmement, loin des paillettes cannoises, SIGN7 ancre par ailleurs sa réflexion sur le monde actuel dans une collaboration active avec des organisations se donnant pour but d’atténuer les souffrances de la condition humaine : Compagnons d’Emmaüs, Action contre la faim, Unicef. Pour lui, l’artiste est altruiste ou n’est pas : il ne saurait s’épanouir enfermé entre les murs de l’atelier. Ses photographies témoignent de ses voyages aux côtés des organisations humanitaires et l’on comprend mieux la portée d’une de ses créations les plus emblématiques, le « Totem des droits de l’enfant » qui fut parrainé par la Mairie de Paris dans le cadre de la Mission Paris 2000. Il s’agissait de la représentation des principes primordiaux dans la vie de l’enfant. Les symboles du crayon, du toit et de l’échelle, devenus sculptures traitées dans les teintes vives déterminées par l’artiste pour l’ensemble de son œuvre, constituaient les moyens simples de transmettre un message de solidarité de l’artiste avec une réalité humaine. Dans ce nouveau registre, SIGN7 apparaissait comme particulièrement contemporain.
Troisième modalité enfin, parmi beaucoup d’autres encore, de la contemporanéité de SIGN7, son actuel projet « Masques et Totems ». Rappelons d’abord que dans les sociétés dites autrefois primitives, les masques et les totems étaient, d’une part des médiateurs entre les hommes et les mondes occultes et, d’autre part, des signes facilitant la solidarité entre membres d’un même clan. SIGN7 désigne avec une réjouissante férocité critique les nouveaux masques et totems de la société du capitalisme globalisé obsédée par l’argent. Les masques sont devenus des cartes de crédit et les totems des colonnes de lettres. On pense que l’on n’est pas loin d’un Hans Haacke par exemple, et l’on a raison car SIGN7 parvient, par les seuls moyens de sa démarche plastique, à dénoncer le « fonctionnement clanique des principaux détenteurs de capitaux contemporains » : ce post-pop serait donc également un conceptuel qui a des choses précises à dire. C’est décidément assez, on en conviendra, pour justifier la revendication de SIGN7 au titre d’artiste contemporain.
Mais ce qui est tout à fait évident, n’est pas acquis pour autant, car ceux qui ont aujourd’hui le pouvoir d’accorder le label - les membres de ce fameux « monde de l’art » si bien décrit naguère par George Dickie - ne l’ont pas encore, à ma connaissance, attribué à SIGN7. Attendraient-ils par hasard d’avoir à rédiger le faire-part de sa disparition ? Soyons sérieux : il n’est pas normal que l’appellation « art contemporain » ait été confisquée, depuis quelques décennies, par des entités et personnes diverses qui ont pour point commun de n’être pas des artistes. SIGN7 offre audacieusement un exemple à suivre : il affirme lui-même qu’il est bien un artiste contemporain, et surtout il le prouve. L’heure est peut-être venue, pour les artistes, de reprendre un pouvoir essentiel dans le domaine qui les concerne : celui de nommer.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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