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[verso-hebdo]
01-10-2009
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Du « complot » à la « falsification » de l’art contemporain |
C’est la rentrée, et il aurait été étonnant que n’apparaisse pas un nouveau pamphlet anti-art contemporain. J’avise chez mon libraire un opuscule intitulé « La Grande falsification ». Sous-titre : « L’art contemporain ». C’est édité chez un certain Jean-Cyrille Godefroy et l’auteur se nomme Jean-Louis Harouel. Ce dernier prend soin de nous indiquer en page 4 de couverture qu’il est bardé de diplômes prestigieux : attention, nous n’avons pas affaire à n’importe qui. L’ennui, c’est que dès la page 7, on bondit devant une énormité. L’auteur évoque avec rage « l’admiration esthétique imbécile portée par ses adorateurs aux fac-similés de la cuvette d’un urinoir qu’il (Duchamp) avait, un demi-siècle plus tôt, prétendu faire admettre en qualité d’œuvre d’art à une exposition de peintures et de sculptures. » Eh non, ce n’était pas Duchamp, c’était son double Mutt, et Duchamp ne prétendait rien de semblable : il ne s’était d’ailleurs RIEN passé en 1917 au salon des Independant Artists à New York. C’est en 1950, à l’occasion d’une exposition sur Dada chez Sidney Janis, que Duchamp a fait remarquer que si c’était lui qui avait signé l’urinoir, alors cet objet dérisoire serait entré dans le champ de l’art puisque lui, Duchamp, avait déjà acquis la grande notoriété (grâce à l’événement « Nu descendant un escalier n° 2 » en 1913). Il posait donc une question essentielle : celle du pouvoir de nommer. Un objet quelconque est susceptible de devenir une œuvre d’art s’il est désigné comme tel par un artiste suffisamment connu ou, bien sûr, par les institutions (musées, grandes galeries…). L’urinoir dit « Fontaine » était une démonstration critique en plusieurs étapes (une « opération de symétrie commanditée » selon l’excellente formule de Thierry de Duve, un spécialiste de Duchamp).
S’il avait lu Thierry de Duve, M. Harouel saurait que personne, aujourd’hui comme hier, n’est assez stupide pour vouer une admiration « esthétique » aux copies de l’urinoir signées en 1967 par Marcel Duchamp qui avait entièrement réussi sa démonstration. Mais M. Harouel ne lit que les contempteurs de l’art contemporain. Il les lit d’ailleurs superficiellement, puisqu’il n’est pas même en mesure de recopier correctement leurs noms. C’est ainsi que Jean-Philippe Domecq devient, page 36, « J.-M. Domech » ! M. Harouel n’ayant pas compris que Marcel Duchamp est, en fait, le plus implacable critique de ce qui se donne comme « art contemporain » (de même qu’après lui, par exemple, Daniel Buren), se livre à une fastidieuse répétition de toutes les attaques dont l’art contemporain a été victime ces dernières années de la part d’auteurs dont le point commun, à la notable exception de Jean Clair, est de ne rien connaître à l’art contemporain, accumulant les généralisations abusives et les erreurs factuelles. Jean-Baudrillard, en 1996, avait parlé du « complot » de l’art contemporain, avant d’avouer peu de temps après qu’au fond, il n’y connaissait rien. Voici un auteur qui crie maintenant à la « falsification » : il le fait de telle sorte que l’on voie surtout l’extrême faiblesse de son information. Je dirais presque « dommage », car il y a effectivement des imposteurs parmi ceux qui occupent aujourd’hui le devant de la scène artistique. Comme il y en a toujours eu d’ailleurs… Mais les gens qui se fâchent, en 1863 comme en 2009, se trompent régulièrement de cible. Ce sont des gens comme M. Harouel qui demandaient que l’on enferme Manet chez les fous…
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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