Bibliothèque de l’amateur d’art
par Gérard-Georges Lemaire
Jean Clair est sans nul doute l’un des esprit les plus éclairés en art en France. Mais il a malheureusement ses limites. Dans son dernier ouvrage, l’Hiver de la culture, il reprend ses attaques contre ce qu’on appelle l’ «art contemporain ». Il est loin d’avoir tort quand il s’indigne du marché sans limite qui accompagne ce phénomène absurde et ridiculise les rites presque mystiques qui l’entourent. Mais il ne va pas jusqu’au bout du raisonnement et, surtout, n’analyse pas le problème dans toute son ampleur. Il fait d’ailleurs référence à des auteurs et des ouvrages ayant déjà plusieurs années. L’aspect le plus intéressant est la dénonciation d’un système général qui associe musées, galeries, collectionneurs dans un effondrement des valeurs artistiques laissant place à la pure et simple spéculation. Ce livre est donc utile car je crois qu’une grande partie des amateurs d’art n’ont pas conscience de l’ampleur et de la gravité de ce qui est en jeu. Toutefois, il aurait fallu mieux en analyser les origines (par exemple, la valorisation des foires comme événements premiers dans cet univers et cela depuis fort longtemps) et en extrapoler le devenir. L’important reste que la création n’a plus sa place : seule la valeur ajoutée compte. Jean Clair voit tout cela comme une décadence. Peut-être. Mais il la fait contraster avec des valeurs anciennes. Il pourrait aussi considérer que d’autres valeurs pourraient émerger – ce manichéisme est dangereux car il peut susciter des postures franchement réactionnaires. Sa lecture de certaines attitudes qui ont apparu au XXe siècle avec l’art moderne sont prises au premier degré (ce qu’il avait écrit dans Le Monde à propos du surréalisme était savoureux car il a un immense talent de polémiste, mais reste en partie erroné car il prend les déclarations et manifestes au pied de la lettre). En conclusion, je recommande la lecture de cet essai – à utiliser avec les précautions d’usage.
L’Hiver de la culture, Jean Clair, Flammarion, 144 p., 12 €.
L’exposition de Robert Alberton baptisée « 150 ans d’art » a de quoi surprendre. Evidemment, ces 150 ans ont à voir avec la célébration de l’unité de l’Italie, née en 1861. Son idée a été de montrer comment la peinture s’est développée dans son pays jusqu’à nos jours. Le parcours commence par les macchiaioli – représentés exclusivement par Giovanni Fattori – se poursuit par un tableau de Boldini (qui fut le plus parisien des Italiens de la Belle Epoque !), Giuseppe De Nittis et Federico Zandomenighi (longtemps parisiens eux aussi, amis de Degas !). Plus intéressante dans ce contexte la présence d’Antonio Mancini et de Pietro Mangarini, deux artistes entre le naturalisme et le symbolisme, mais aussi d’Angelo Morbelli, le plus grand des naturalistes et de Daniele Ranzoni, artiste subtil et délicat. Puis l’on passe aux futuristes, représentés par un petit tableau mineur de Giacomo Balla. Suivent Carrà et Campigli comme expression du « retour à l’ordre » et de toutes les formes de peinture figurative entre les deux guerres avec Primo Conti, Filippo De Pisis, Virgilio Guidi, Lilioni (ces deux derniers avec des pièces assez médiocres), sans oublier Rosai et Morandi et l’on remonte ainsi le fil du temps jusqu’à Scanavinio, Turcato, Veronesi, Merz (avec une toile abstraite de 1959 !) et enfin Fontana et ses Concepts spatiaux. On voit bien que cette exposition a été bricolée à la hâte dans une perspective politique et non esthétique.
« 150 anni d’arte », Ecuries du château de Miramare, Trieste, jusqu’au 29 août 2011. Catalogue : Galatea Arte, 192 p.