Le nom de Sujata Bajaj m’est inconnu. Michel Waldberg, dans une belle présentation, me fait découvrir le visage, la personnalité et l’œuvre de cette jeune artiste indienne. Elle est née à Jaipur. Après avoir fait ses études à l’Ecole des Beaux-arts de Pune, elle se rend à Paris et entre dans l’atelier de Claude Viseux en 1988. Ce dernier l’introduit à la technique du monotype, qui semble alors la mieux adaptée à son tempérament. Dans la suite baptisée Energy (1992), elle conjugue des papiers déchirés et collés qui ne cherchent pas à représenter sinon une constellation de formes colorées. Elle y insinue souvent des écritures : ces lignes de sanskrit deviennent sa marque de fabrique et le symbole de sa volonté de mêler la culture indienne et la culture de l’Occident. Mais jamais elle ne s’arrête sur un modèle formaliste de quelque nature que ce soit. Puis elle emploie l’acrylique et réalise en 1993 ses Memories, cycle de compositions sans objet distinct, par une succession de strates chromatiques qui sont la manifestation de ses pensées et de ses sentiments. Bientôt (un an plus tard), des fragments d’écriture réapparaissent. Sa palette se fait alors plus chaude et le registre de ses couleurs est moins vaste : les bruns et les noirs dominent et ses feuilles déchiquetées semblent avoir été en partie brûlées. A la suite de cette belle parenthèse, on sent que son esprit et que sa main sont plus libres. Ses toiles se structurent selon des lignes de tension noires ou blanches. Mais ce serait mal interpréter le sens de sa démarche que de croire qu’elle peut s’arrêter en un point précis. Elle procède par accumulation d’expériences passées, tout ce qu’elle a accompli dans le passé se retrouve à un moment ou à un autre. Elle choisit de plus en plus de formats plus longs, mais ne renonce pas au carré et même le tondo. Ce qui caractérise ses créations les plus récentes, c’est la montée en puissance de la couleur. Michel Waldberg fait des descriptions très judicieuses de ces œuvres qui sont de véritables « sésame ouvre-toi » pour pénétrer dans son monde pictural.
Sujata Bajaj, Michel Waldberg, La Différence, 560 p., 90 €.

Gérard-Georges Lemaire