L'espace culturel Anis Gras, le lieu autre à Arcueil, 55 avenue Laplace, présente, du 12 avril au 6 mai 2022, une exposition dédiée à Herman Braun-Vega sous le titre « De Braun à Braun-Vega, la métamorphose d'un artiste ». Braun-Vega (1933-2019), de double ascendance autrichienne et péruvienne, fut un artiste militant du métissage dans tous les domaines, à commencer bien sûr par celui de la peinture. Refaisant, pour son tableau-manifeste (Caramba ! 1983) l'autoportrait de Cézanne, il avait découvert avec stupeur que le maître d'Aix avait repris, pour se représenter, un autoportrait de Rembrandt dont il avait extrait l'organisation picturale, et notamment tout le jeu de l'ombre et de la lumière sur les pommettes. C'était la confirmation de son intuition : la peinture se nourrit de la peinture. L'intégration de la peinture des autres est une nécessité pour tout peintre, à condition qu'elle contribue à la construction d'un projet plastique original. Il faut voir comment la touche de Braun-Vega savait s'identifier à la facture d'un Monet, par exemple dans Solo (d'après Monet), 2000, qui sera présent à l'exposition. Ou comment son « jus » pictural pouvait retrouver l'esprit des glacis d'un Ingres. L'esprit, non le secret de fabrication : ni plagiaire ni faussaire, Braun-Vega aimait trop les peintres pour platement les recopier.
Herman saisissait la substance de chacun pour la projeter librement dans ses compositions d'une étonnante liberté d'exécution. Le grain de la toile écrue était largement préservé selon de vastes réserves faisant habilement jouer les uns dans les autres les avant et les arrière-plans. En aucun cas, le ou les tableaux cités n'étaient plaqués : ils y étaient naturellement à leur place, faisant partie de l'ensemble. L'art, prétexte de l'art ? Comme toujours, certes ! Mais on aura compris que Braun-Vega avait choisi de faire du prétexte même la condition nécessaire de son travail. Condition nécessaire, mais non suffisante : la réalité du monde était présente aussi, avec ses contrastes qui étaient souvent d'insurmontables contradictions. Braun-Vega avait besoin du réel le plus quotidien, voire le plus politique, pour accompagner l'irréalisme flamboyant qu'il repérait dans l'histoire des formes.
Ce peintre me paraît avoir poussé à la limite ce qui caractérise notre « art contemporain » : pour la première fois peut-être, un art ne peut pas être défini par sa date. On ne parle pas de la peinture d'aujourd'hui comme on parle de la peinture renaissante ou baroque. La peinture serait-elle parvenue au terme ultime d'une longue aventure ? C'était l'heure en tout cas, avec Braun-Vega, du face à face de l'esprit avec ses possibilités désormais mesurables, avec ses structures maintenant mises au jour. Herman Braun-Vega a apporté sa pierre au bilan en cours. Il le faisait avec une technique longuement mise au point et surtout l'évidence du bonheur de peindre : hier comme maintenant, ce n'était pas chose courante. Ce grand artiste n'a pas été vraiment reconnu.
www.braun-vega.com
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