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Introduction
par Dominique Sagot-Duvauroux |
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par Dominique Sagot-Duvauroux |
Valenciennes, 2001
Aux frontières de limage fixe ! Après un congrès consacré aux vecteurs de limage et avant celui consacré à la mise en espace de limage, les Gens dImages se sont réunis à Valenciennes pour réfléchir aux rapports quentretiennent images fixes et images animées. Les frontières entre les deux sont rendues floues par les évolutions technologiques qui permettent de mettre en mouvement, de déformer ou transformer des images fixes, qui permettent encore, avec un même appareil de prendre des images fixes et des images animées. Les images animées ne sont-elles quune succession dimages fixes ? Et sinon, quelle est la nature profonde de la frontière entre une image fixe et une image animée? Comment les artistes appréhendent cette frontière? Telles sont les questions auxquelles les intervenants - artistes, chercheurs, professionnels de limage - ont cherché à répondre dans leurs communications dont ce dossier rend compte.
Les images animées : une succession dimages fixes
Les images animées sont dabord une succession dimages fixes. Les nombreuses expériences danimation dimages fixes durant le dix-neuvième siècle débouchent en 1895 sur linvention du cinéma par les frères Lumière. Plusieurs interventions sont consacrées à ces expériences. Yves Rifaux, en présentant ses lanternes magiques, nous plonge dans lunivers poétique et humoristique des premières " histoires animées ". Les expériences dEtienne-Jules Marey et de Georges Demeny, décrites par Laurent Véray, mettent en lumière les enjeux scientifiques de cette animation obtenue par la succession accélérée dimages fixes permettant une décomposition du mouvement grâce au chronophotographe.
Ces expériences posent très vite la question de " la preuve par limage ". De même quon a pu comprendre le mouvement exact du cheval au galop grâce à lutilisation de photographies, nest-il pas tentant dutiliser le ralenti ou la photographie pour prouver un fait quelconque ? Tel est lenjeu de lutilisation du video-arbitrage dans le domaine sportif. Jacques Blocisziewski montre que le recours à " la preuve par limage " tel quil se développe dans le sport soulève plus de problèmes quil nen résout. Outre que de nombreuses informations échappent à la caméra, faire appel à la vidéo pour arbitrer des situations de jeux soulève la question de lobjectivité du caméraman, lorsquil est par exemple salarié dun groupe lui-même propriétaire de clubs sportifs. Ces observations rejoignent lambiguïté de certains reportages sportifs du début du 20ème siècle où il apparaît évident, comme nous le montre Laurent Véray, que les images censées représenter objectivement une compétition sportive relèvent en fait dune mise en scène destinée à favoriser la prise de vue. On est déjà dans une logique où le spectacle prime sur la compétition, logique dont on connaît lomniprésence aujourdhui lorsque certaines disciplines sportives sont amenées à modifier leurs règles pour mieux passer à la télévision.
Linitiative " Tous en piste ", présenté par Jean-Pierre Degas, sinscrit, dune certaine manière, dans la continuité des expériences du 19ème siècle sur le sport. Pendant une année, des élèves de deux collèges de Tremblay en France ont été mobilisés sur un projet " sport et photographie " destiné à comprendre les activités sportives à partir de lanalyse du mouvement grâce à la photographie. Au delà de la prise de vue faite avec des appareils très simples, les clichés scannés sont retravaillés sur informatique par les collégiens qui sont conduits à sinterroger sur lobjectivité dune image.
Lirréductible frontière entre limage fixe et limage animée
Les images animées ne sont cependant pas quune succession dimages fixes. Michel Melot sinterroge sur la véritable nature de la frontière entre limage fixe et limage animée. Leur différence est radicale, non pas parce que lune bouge et lautre pas mais parce que lune parle et lautre reste muette. Limage animée sinscrit dans les arts du temps et du discours tandis que limage fixe reste du côté des arts plastiques.
A travers son expérience de photographe de plateau, Georges Pierre insiste aussi sur lopposition radicale qui existe entre la photographie de plateau sur un film et les images qui, "collées" les unes aux autres, forment un film. Fixer limage animée, nous dit Georges Pierre, nest pas le problème du photographe de plateau. Il nous met en garde contre la croyance trompeuse que les photographies de film correspondent à une image sortie du film. Une bonne photographie de film exige un travail de traduction par l'implication personnelle du photographe qui doit rendre lesprit du film à travers sa photographie, avec six mois d'avance.
Cest à ce même travail de traduction auquel semploient les créateurs du site Visuelimage.com. Animer des images fixes, cest en effet un des défis des sites Internet consacrés à limage, nous dit Christophe Cartier. Il sagit dexplorer les moyens de rendre, par ce nouveau média, plus vivante la présentation dimages fixes mais aussi de proposer aux artistes dinvestir ce nouveau support pour faire uvre de création. La transposition du livre de Raymond Depardon " Notes " sur Internet offre une bonne illustration de ces opportunités.
Limpossibilité de réduire limage animée à une succession dimages fixes a des implications économiques que soulève Dominique Sagot-Duvauroux. La présentation et la vente de vidéos dans des espaces traditionnellement consacrés aux images fixes (le white cube de la galerie ou le musée) apparaît sous bien des aspects insatisfaisante. Et la vente de cassettes - vidéos selon les mêmes conventions que les tableaux relève largement de la supercherie. Le marché de limage animée ne saurait fonctionner selon les mêmes règles que celui des images fixes.
Pour autant, les nouvelles technologies élargissent les possibilités de diffuser des images fixes. Cest le pari fait par le galeriste Jean-Pierre Lambert qui a décidé de fermer sa galerie au profit dun site Internet présentant les photographies, images " fixes " des artistes quil représente, les collectionneurs pouvant toujours prendre rendez-vous pour voir les uvres chez lui.
Images fixes et images animées , quel défi pour la création?
Le développement des techniques numériques incite un nombre croissant de photographes à expérimenter les images animées pour réaliser leur uvre. Les frontières entre les différents métiers de limage deviennent elles-aussi plus floues. Luniversité de Valenciennes, à travers sa structure D.R.E.A.M. (Développement, Recherche, Enseignement en Audiovisuel et Multimédia), forme des professionnels rompus aux différentes techniques de limage (fixe ou animée) en privilégiant la réalisation de projets dont plusieurs furent présentés lors des rencontres.
Mais les opportunités offertes par les nouvelles technologies transforment-elles profondément le travail de création ? Xavier Zimbardo, en présentant son travail de photographe et de vidéaste considère que ces deux types de création participent pour lui du même travail artistique fondé sur laventure du regard, la surprise et la volupté. La singularité dun créateur ne saurait dépendre de la technique quil utilise.
Bernard Plossu rejoint ce point de vue en développant une uvre où la prouesse technique est volontairement écartée. Par lutilisation dappareils photographiques de base, y compris jetables, il propose un travail sensible où son regard transcende la technique.
La stimulante présentation de ses photographies, fondée sur la comparaison dune même image sous différents formats ou dans un livre a introduit parfaitement le congrès que les Gens dImages organisent en mars 2002 à Angers, sur la mise en espace de limage. |
Dominique Sagot-Duvauroux |
mis en ligne le 20/02/2002 |
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