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[verso-hebdo]
19-09-2024
La chronique
de Pierre Corcos
De la caricature à l'affiche d'art
Problème de translation formelle, en bonne partie au niveau de la ligne, du trait : comment passer de la caricature à l'affiche d'art ? La réponse à cette question peut s'élaborer à travers l'exposition Cappiello caricaturiste (1898-1905) que l'on découvrira jusqu'au 22 septembre au Musée d'Art et d'Histoire Louis Senlecq à L'Isle-Adam. Une bonne centaine d'oeuvres (dessins originaux et leur déclinaison imprimée pour affiches et journaux, documents variés, et même deux réjouissantes petites sculptures en plâtre polychrome) provenant de l'Atelier Cappiello, du musée d'Orsay et du musée des Arts décoratifs.
Cet artiste français d'origine italienne (Livourne 1875-Grasse 1942), plutôt méconnu, collabora aux journaux satiriques de son temps (Le Rire, Frou-Frou, L'Assiette au beurre, etc.) comme caricaturiste. Mais ne faisant pas dans le virulent portrait-charge ou la cruelle satire de moeurs, et c'est essentiel ! Stratège mondain, Cappiello était plutôt un dessinateur virtuose cherchant la ligne synthétique, doublé d'un vigilant échotier de la scène parisienne. En 1898, en première page du journal Le Rire, son portrait de la célèbre Réjane nous suggère comment la translation caricature/affiche peut s'effectuer... Intuitive, la célèbre journaliste féministe d'alors, Séverine, définissait avec ses mots ce qu'elle appelle le « procédé » de Cappiello : « Il n'accentue pas le tic, la déformation, l'expression d'un visage. C'est à la conformation osseuse qu'il s'attaque, à travers le masque de la chair, et qu'il traite, en quelque sorte, par l'algèbre ». En fait une ligne simple et d'une perfection « mathématique » parvenant à fondre le comique et la grâce. Tel est le style, le sortilège de Cappiello... Un graphisme épuré, une arabesque dynamique et ferme (il a réalisé un album de « silhouettes », Nos actrices), des couleurs vives en aplat. Et nous voici déjà dans l'art de l'affiche où visibilité et lisibilité doivent se délester du détail et du décor pouvant distraire le regard.

Mais sans doute un petit rappel sur l'affiche, son histoire moderne et son art est-il ici le bienvenu... Daumier, Gavarni, Manet furent les premiers, avec leur admirable talent, à s'essayer à ce qu'il faut bien appeler un art de l'affiche. Ne peut-on alors dire que ce dernier est né en France ?... D'abord annonce d'ouvrages placardée en librairie - Gavarni/Balzac, Manet/Champfleury (cf. Les Chats qui nous vaut un dessin japonisant et poétique, en noir et blanc) -, l'affiche artistique va se développer, parallèlement à l'Art nouveau, et connaître dès le Bal Valentino de Jules Chéret (1867) sa « belle époque ». Observons certaines évolutions formelles : épure, tracé net, contraste de vives couleurs... Comment ne pas y retrouver l'influence des maîtres japonais de l'estampe comme Hiroshige, Utamaro, Hokusaï ? D'autres influences se feront jour, comme souvent dans l'affiche. Mais, qu'elle soit marquée par le japonisme, l'orientalisme, une anticipation de l'expressionnisme avec Toulouse-Lautrec, plus tard le surréalisme, l'art abstrait, et si artistique fût-elle, l'usage incontournable de l'affiche relève, a minima, des fonctions référentielle et conative du langage, en délivrant une information et en suscitant une envie. Ce qui implique évidemment d'attirer le regard d'abord, de capter l'attention. D'où cet équilibre savant et intuitif à trouver, entre une communication efficace par l'image et une recherche esthétique la transcendant... Mais le développement d'une économie concurrentielle avec l'obsession du retour sur investissement vont peu à peu raréfier les affiches purement graphiques, dont les recherches esthétiques risquent de ne pas être appréciées, voire comprises par certains consommateurs potentiels. Et depuis un demi-siècle, on peut le regretter, c'est la photographie qui détient pratiquement le monopole de cet art. Les Chéret, Cappiello, Savignac se retrouvent dans les musées, ou en vente publique.

Caroline Oliveira, co-commissaire de cette exposition et directrice du musée Louis Senlecq, nous le rappelle : Leonetto Cappiello était « le roi de l'affiche entre 1900 et 1914 ».
Pourtant cette carrière brillante ne fut précédée d'aucune formation spécialisée, ni école d'art ni atelier. Son croquis du célèbre compositeur Giacomo Puccini, publié en 1898 (Cappiello n'a que 23 ans !) dans Le Rire, dénote un savoir-faire indiscutable : le corps crayonné du musicien inspiré, rondouillard et le nez en l'air devant son piano, trace une diagonale parfaite dans un carré rose. Et c'est drôle, charmant. Un tel genre de « caricature », bienveillante et gracieuse, tout le gratin parisien en voudra ! On n'y est pas massacré, mis à nu, ridiculisé. Pas d'appendice nasal monstrueux ni de mirettes terrorisantes, non, juste des sortes de virgules et des points... Comme l'exposition le montre si bien, c'est toutes les vedettes de ce temps-là représentées, stylisées plus que caricaturées, qui fixent leur silhouette pour la postérité.

Cette dimension consensuelle et créative jointe à l'élégance, l'épure d'un trait qui essentialise ouvrent logiquement Cappiello à l'affiche publicitaire... Et voilà pourquoi il est surtout demeuré célèbre pour ses affiches vantant le chocolat Klaus, l'Ouate Thermogène, Cinzano, le papier à cigarette Nil, le Bouillon Kub, etc. Mais voilà, il fallait d'abord délester la ligne caricaturale de sa charge difforme et démoniaque !
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
19-09-2024
 

Verso n°136

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