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[verso-hebdo]
21-10-2010
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Johnston Foster,
« Token Omen »
Le dépliant pour touristes de la Bastille de Grenoble a raison : petite montagne fortifiée, grand domaine de découvertes. Il est recommandé de monter dans l’une des bulles de plexiglas qui, en cinq minutes, font franchir l’Isère aux voyageurs, les hissant de 262 mètres de dénivelé pour leur permettre de découvrir, en premier lieu, une vue splendide de la cité dans son écrin de montagnes. Le général Haxo est passé par là sous Louis-Philippe, et son talent architectural sert à merveille le Centre d’Art Bastille, voué à « une approche curieuse de l’art contemporain » (dixit le dépliant) dans ses casemates voûtées en pierre de taille. Vous devinez que c’est là que je me suis rendu le 6 octobre dernier (en ce qui concerne le Musée des Troupes de Montagne voisin, qui doit être passionnant, ce sera une autre fois), invité à découvrir les œuvres d’un jeune artiste américain, Johnston Foster.

L’exposition a pour titre Token Omen, ce qui signifie « présage symbolique ». Les œuvres sont en trois dimensions, vivement colorées, mais elles ne sont cependant pas gaies. L’artiste explore à sa façon le thème de la perte ou du désastre à travers des allégories animalières exclusivement composées à l’aide d’objets et matériaux de récupération qu’il prélève systématiquement dans l’environnement urbain. Un langage visuel très proche de la culture pop est mis au service d’une critique sans concession de la société industrielle du capitalisme mondialisé à travers ses déchets. Foster en donne la liste précise pour chaque œuvre, par exemple pour Catch of the Day (2008) nous avons : « contre-plaqué, linoléum, piscine pour enfant, sacs poubelle en plastique, tuyaux, nappe en plastique, vinyle, balle de tennis, marbre, vis ».

Dès le seuil de l’exposition, j’ai été particulièrement frappé par un malheureux requin femelle éventré, d’où s’échappaient des bébés-requins morts, mais aussi toutes les saletés – comme les inaltérables et épouvantables bouteilles et sacs en plastique - avalées par les poissons de tous les océans du monde, les gros surtout, vouant ces derniers à une mort certaine. Mais c’est d’abord en artiste que Foster s’intéresse aux déchets de notre consommation : « Ce que je trouve intéressant, dit-il à Vincent Verlé, un des responsables du centre, c’est que chaque objet que tu utilises possède déjà une histoire et une énergie. Elles me guident souvent dans mon travail en cours, avant même de les intégrer dans les sculptures. Leur histoire, leur énergie s’en trouvent ensuite amplifiées dans mes œuvres ». C’est exact : il faut voir ces travaux fortement originaux pour éprouver l’énergie que Johnston Foster a su leur communiquer.
(jusqu’au 14 novembre. 04 76 54 40 67)
J.-L. C.
jl.chalumeau@usa.net
21-10-2010
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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