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[verso-hebdo]
29-04-2010
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La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau |
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Hortense Damiron :
une allégorie de l’humanité
aujourd’hui |
Il est des artistes de grande valeur dont on ne voit pas assez le travail : c’est le cas d’Hortense Damiron, sculpteur et peintre, qui n’avait pas eu l’occasion de se manifester, à ma connaissance, depuis sa splendide exposition de l’Espace Collectivités de Paris-Le Bourget en 2003. La voici qui nous fait signe depuis Perpignan, avec en particulier une nouvelle version de l’une de ses œuvres les plus importantes, La Dictée de l’Ange. Cette pièce est composée de deux figures modelées dans la cire noire : un ange qui a l’aspect d’une femme, et un homme. Ce dernier, nu et assis par terre, genoux relevés et l’air grave, tournait le dos à l’ange en 2003. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : il joue de la flûte, mais ne paraît pas davantage écouter l’ange, à la même échelle, debout derrière lui, qui semble lui adresser un message avec véhémence. Derrière eux, une peinture bleue : c’est un ciel parcouru par des oiseaux, un thème cher à l’artiste.
Le tee shirt de l’ange est blanc, fabriqué avec de vieux journaux : l’artiste a sciemment laissé bien visible le mot débats sur la poitrine. Cette figure n’a aucun rapport avec les représentations d’anges dans la tradition iconographique occidentale. Peut-être pourrait-on la situer entre les Amours ailés qui proliféraient dans la statuaire du XVIIIe siècle et, par exemple, l’Ange d’alliance de Christian Boltanski que l’on a pu voir dans la chapelle de la Salpêtrière à Paris en 1986. Les Amours (ceux de Tassaert notamment) étaient des garçons, l’ange de Damiron est une fille : leur point commun est d’être tous deux nettement sexués. L’ange de Boltanski, de sexe indéterminé, figurine de carton et de plumes, était placé la tête en bas devant une source de lumière, et c’est son ombre démesurément agrandie, plutôt inquiétante dans l’espace sacré, qui intéressait l’artiste. Cet ange faisait partie d’un ensemble intitulé Leçons de ténèbres, en référence aux lamentations du prophète Jérémie. L’ombre formée par Boltanski venait parler aux hommes de leur déchéance, et c’est bien ce que semble faire lui aussi l’ange à la fois charmant et menaçant d’Hortense Damiron. Le message n’est visiblement pas parlé, mais crié très fort. En 2003, l’homme écrivait parce qu’il le fallait bien (on lui dictait quelque chose), sans paraître comprendre ce qu’il traçait. En 2010 il n’écrit plus : il joue de la flûte et ne semble vouloir entendre que sa propre musique.
Or la mimique dramatique de l’ange, fort bien modelée dans un style expressionniste, est assez claire : il y a urgence, son message exige une réponse immédiate. Mais rien n’indique que l’homme se lèvera et agira en fonction de l’avertissement reçu. Hortense Damiron nous laisse libres de méditer là dessus : elle a simplement la certitude qu’en tant qu’artiste elle a la responsabilité de traduire plastiquement ses intuitions et de les offrir aux autres. Mais les non-artistes ont l’oreille dure ! l’homme à la flûte, avec son blocage psychologique apparent, serait-il une allégorie de l’humanité allant à la catastrophe faute de pouvoir entendre ses artistes après avoir tué ses dieux ?
Galerie ARTRIAL, 30 place Hyacinthe Rigaud, 66000 Perpignan. Jusqu’au 29 mai
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| Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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