Bibliothèque de l’amateur d’art
par Gérard-Georges Lemaire
Le mérite insigne de ce catalogue (comme de l’exposition) est de nous présenter Pompéi (qui fait actuellement l’objet d’un scandale, le ministère des biens culturels étant incapable de faire face aux dégradations graves qui se sont vérifiées récemment, malgré les sommes importantes tirées des entrées et les subventions de l’UNESCO) dans son ensemble, et non du seul point de vue de la peinture : celui-ci a d’ailleurs créé une illusion dangereuse, puisqu’on pu croire que la peinture romaine pouvait être juger à l’aune des décorations murales de la ville détruite par l’éruption du Vésuve - rien n’est plus erroné. On découvre ici la vie des Romains, des plus aisés au plus défavorisés, au cours du Ier siècle. Des instruments de cuisine les plus simples jusqu’aux objets les raffinés et les plus précieux, nous pouvons nous faire une idée de ce monde. Des statues naïves comme celle d’Esculape en argile (remontant au IIe siècle avant notre ère) jusqu’à des statues d’une grande beauté comme l’éphèbe de type hellénistique en passant par les figures priapiques, plus rudimentaires, voilà bien des aspects différents de l’art de vivre des Pompéiens au début de l’Empire. Quant à la peinture, sa qualité - il n’est que de voir de la casa delle Amazzoni pour comprendre à quel niveau d’excellence s’était élevé l’art pictural des Romains si des peintres mineurs pouvaient rendre avec tant de beauté un jardin avec des arbres fruitiers et habités par des oiseaux au plumage multicolore. Toutes les fresques ne sont pas de cette qualité. Mais même les poissons placés sur un étal qui devaient se trouver dans une boutique prouvent à quel point s’était développée cette pratique. Enfin, soulignons que l’ouvrage dépasse l’idée du catalogue et constitue un excellent document pour découvrir tous les aspects de Pompéi, y compris les sujets érotiques des maisons de passe autochtones !
Pompéi, un art de vivre, sous la direction de Patrizia Nitti, Gallimard/Musée Maillol, 222 p., 39 €.
Jacques Gruber ne fait pas partie des artistes-phares de l’Art nouveau. C’est dommage. Il est vrai que l’Ecole de Nancy est demeurée relativement méconnue pendant longtemps et qu’on ne se souvenait que d’Emile Gallé. Jacques Gruber (1870-1936) qui a travaillé au sein de la prestigieuse société Daum à la toute fin du XIXe siècle, s’est révélé lui aussi un magnifique créateur de vases (en particulier de vases soliflores et des « vases ombrelles »), mais aussi un maître verrier qui a exercé son talent en ayant une connaissance profonde des autres corps de métier. C’est ainsi qu’il a réalisé des verreries pour des portes d’entrées qui sont des chefs d’œuvre, et de verrières de grandes dimensions qui sont des splendeurs. Il a aussi exécuté de nombreuses fenêtres historiées pour les escaliers des immeubles (il a privilégié le thème végétal). Ce que révèle cet ouvrage, c’est qu’il a exercé son talent dans différents domaines : il a créé de nombreux objets décoratifs, mais aussi des meubles qui sont frappants par la simplicité de leurs lignes et leur beauté élégante et sobre. Bien sûr, ses chaises et fauteuils sont plus intéressants que sa bibliothèque, par exemple. Ses affiches et ses quelques tableaux sont quelque peu décevants. Mais le reste mérite l’éloge. Ce livre est très bien conçu et permet de réhabiliter cet artiste qui ne représentait qu’un nom parmi d’autres quand Nancy était une capitale des arts dits mineurs. Rien de spectaculaire ici comme la Sagrada Famiglia à Barcelone, comme les bouches de métropolitain de Guimard à Paris ou comme le grand magasin de Victor Horta à Bruxelles. Pas même une petite gare ou un kiosque comme à Vienne, ni même le petit mais sublime palais de la Sécession. Gruber peut retrouver sa place parmi ces grands noms et Nancy devrait être considérée comme l’un des foyers les plus intéressants de l’Europe Liberty. Une reliure de Gruber vaut un empire !
Jacques Gruber et l’Art nouveau. Un parcours décoratif, collectif, Gallimard, 240 p., 35€.