Bibliothèque de l’amateur d’art
par Gérard-Georges Lemaire
Curieux titre que celui-ci ! Sans l’auteur a-t-il voulu jouer sur les mots puisqu’il fait explicitement références aux Très riches heures du duc de Berry, l’un des plus beaux livres illustrés français du XVe siècle. Mais pourquoi parler de « livres pauvres» ? Il n’est pas question ici de livres édités sur grands papiers et placés dans des emboitages coûteux. Mais cette pratique existe déjà depuis longtemps et ces éditions plus modestes ont accompagné l’histoire du livre. Par exemple, beaucoup des gravures des grands maîtres de l’ukyio-e au Japon étaient exécutées pour des ouvrages populaires. Il est clair que l’auteur a voulu défendre son idéal, c’est-à-dire une production bibliophilique faite avec des moyens modestes. Soit. Mais la rareté compense le luxe ! Le problème de ces éditions est qu’on y rencontre souvent des artistes parfois médiocres et qui font des « illustrations » médiocres. Ou sinon, on reste souvent sur sa faim. Le Tombeau d’Arthur Rimbaud de Michel Butor ou les quelques lignes d’André-Pierre Arnal s’illustrant lui-même laissent sa faim. C’est le problème de ce type de projet éditorial. Claude Viallat en miroir avec Claude Viallat, c’est amusant, mais pas très parlant. D’Hubert Lucot qui est un auteur intéressant, on n’a que six lignes et le peintre qui l’accompagne ne met pas en valeur sa littérature. En somme, ce catalogue est bien prétentieux pour des créations qui ne peuvent pas l’être - prétentieuses ! Pourquoi diable avoir commis un volume luxueux et cher pour ces éditions qui se prétendent accessibles et faites à partir d’une feuille pliée ou en accordéon ? Tout cela fait partie de ce barnum contemporain du tout et du rien. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un éditeur digne de ce nom.
Les Très riches heures du livre pauvre, Daniel Leuwers, Gallimard, 224 p., 39 €.
Curieuse théorie que celle d’Eric de Chassey ! Il nous sert une histoire de l’art que même André Chastel, dans ses plus mauvais rêves, n’aurait pu imaginer, une histoire finalement conformiste et confinée entre les murs de la vieille Sorbonne. Quand il parle de la société de notre temps, par exemple de la multiplication infinie des images, il préconise un recours à la sémiotique, sans oublier l’émotion la « parole de l’artiste « [sic]. Oui, oui, bien sûr, M. le professeur, mais voilà, les choses sont peut-être un peu plus compliquées. Eric de Chassey paraît être le professeur Tournesol de notre histoire de l’art qui aujourd’hui s’est barricadée dans l’ancienne Bibliothèque nationale de la rue richelieu avec l’INHA. Sa vision de cette noble discipline est désarmante : elle est archaïque et n’est pas même à la hauteur de ce que nous avons subi dans les années soixante-dix. Personne ne sera surpris que les meilleures recherches se passent loin de notre pays, souvent même sur des artistes français...
Pour l’histoire de l’art, Eric de Chassey, « Le préau », actes Sud, 144 p., 18 €.