Bibliothèque de l’amateur d’art
par Gérard-Georges Lemaire
Je dois l’avouer : j’ignorai tout de cet artiste catalan né en 1954. L’exposition itinérante qui est allée du musée d’art moderne de Céret à celui de Collioure et enfin à celui du Havre a permis la réalisation d’un catalogue imposant qui permet de découvrir une partie non négligeable de son œuvre. Celle-ci se caractérise par une obsession - celle des moyens de transports, qu’ils soient terrestres, martins ou aériens. Certains des engins de son invention présentent d’ailleurs des caractéristiques ambiguës : par exemple, son Multicolored Airplane on Bleue (2002) peut-être vue comme une bicyclette pouvant voler grave à une hélice ou à un petit aéronef pouvant rouler. En somme, il nous entraine dans un monde féerique où ses cent onze avions sont encore plus improbables que l’invention de Léonard de Vinci. Ce sont des engins fictifs qui ont d’abord une fonction plastique. La référence à l’aéronautique n’est pas anecdotique : elle les met en relation avec une réalité moderne. Rien de futuriste dans ses créations - ce sont plutôt des sculptures qui pourraient se situer entre Calder et le Nouveau Réalisme. Il a aussi imaginé des sous-marins qui n’auraient sans doute pas été du goût du capitaine Nema, mais plutôt d’un collectionneur de curiosités de l’ère industrielle. Avec une série de ces submersibles en fer, il a décrit un beau Mandala en 1991 ou des tableaux posés aux sols avec L’Immersion (1998). Il a également imaginé des îles qui se présentent comme des cartes reliefs. Et ces îles lui ont fourni aussi le prétexte à des sculptures en bronze patiné et peint dotées d’un anneau au début des années 2000. En somme, toutes ces pièces appartiennent à un art du voyage qui est d’abord une expérience ludique. Serge Fauchereau insiste sur ce point : « L’art est un jeu d’adulte. Riera i Arago’ nous offre de grands et beaux jouets qui nous emportent vers les abysses océaniques ou les plus fabuleuses planètes, les plus belles étant toujours celles qu’on n’a pas vues et qui sont dans les rêves. » On ne saurait mieux cerner l’essence de sa quête artistique.
Riera i Arago’, le rêve du navigateur, collectif, Gallimard, 176 p., 35 €.
Ce n’est pas une mince affaire que d’évoquer le parcours d’un éditeur tel que Gallimard. Trois générations se sont succédé déjà avec Gaston, Claude et aujourd’hui Antoine. Cette famille a créé un véritable univers livresque qui a marqué l’histoire de la littérature française. Le récit qui en fait ici est un peu décevant. Et puis l’art en est complètement absent. Il y est bien question d’André Malraux (comment pourrait-il en être autrement), mais il n’est pas question un instant de la prestigieuse collection de « l’Univers des formes » créée en 1960 et qui a compté quarante-deux titres. Elle a d’ailleurs été rééditée en grande partie ces dernières années. Si l’art n’a pas été la préoccupation principale des Gallimard, il a joué un rôle qu’on aurait aimé voir illustré et commenté, même de manière brève dans le volume de « Découvertes ». En revanche, dans le magnifique album que les éditions Gallimard ont consacré à leur histoire, le monde de l’art est présent. On y apprend que Gaston Gallimard avait l’ambition d’élargir son champ d’action dès la Libération ce dont il s’ouvre à Jean Paulhan, lui annonçant que le jardin réaménagé servirait aux rencontres littéraires, mais aussi aux expositions. En fait, sa relation avec les arts plastiques a commencé avec sa rencontre avec André Malraux. A la fin de 1930, la galerie de la NRF est créée. Elle se trouve au premier étage du bâtiment de la rue Sébastien-Bottin et elle présente « quarante statues gothico-bouddhiques avec un petit catalogue. Il y a l’année suivante une exposition de Grosz et de Fautrier, puis « Les fresques persanes », toujours rapportées par Malraux en 1932. Après la guerre, la Galerie de la Pléiade est installée dans les salons de la rue de l’Université : il y a des expositions de Marchand, de Masson, de Prassinos. Gaston dissout la Compagnie en 1951. Malraux reprend le nom pour la collection réunissant ses textes sur l’art de 1951 à 1957. Et, bien plus tard, Gallimard deviendra aussi un éditeur d’art...
Gallimard, 1911-2011. Un siècle d’édition, Gallimard, 408 p., 49 €.
Gallimard, un éditeur à l’œuvre, Alban Cerisier, « Découvertes », Gallimard, 176 p., 14,30 €.