Bibliothèque de l’amateur d’art
par Gérard-Georges Lemaire
Catherine Millet s’est imposée dans le milieu de l’art contemporain en France en fondant la revue Art Press, qui a commencé par divulguer en France les formes d’expression les plus radicales, comme le Minimal Art et l’art conceptuel. Elle a été une observatrice de la situation française et a produit un état des lieux qui a fait date et qui est sans cesse réédité. Ces entretiens nous font découvrir son aventure personnelle. Elle nous relate son enfance, toujours avec discrétion et sobriété. Elle relate ses premières découvertes artistiques, la création de la revue Strophes et la création de la galerie Cimaise Bonaparte en 1966, qui est rebaptisée ensuite Daniel Templon en 1968. Elle fait état de sa collaboration aux Lettres françaises d’Aragon alors qu’elle devait travailler (elle avait abandonné l’idée de faire des études). A la galerie, elle fait la connaissance de jeunes artistes, de Martin Barré à Michel Journiac. Peu à peu, alors qu’elle collabore à d’autres périodiques (L’Art vivant, Flash Art, Opus international, etc.) elle découvre des créateurs qui proposent des travaux encore plus radicaux, qui l’incitent à explorer les champs les plus novateurs de la modernité. Et puis vient la naissance d’Art Press, qui devient sa machine de guerre. Ces conversations sont passionnantes et l’attitude de Catherine Millet est plaisante, car elle affirme haut et fort ce qu’elle a accompli (et réussi), mais fait toujours preuve de modestie et d’une modestie qui n’est pas feinte. De la jeune pigiste à la romancière, en passant par la directrice d’une revue influente et l’auteur d’un brillant essai sur Dali’, on découvre avec plaisir tous les versants de Catherine Millet au-delà du coup de dés de l’invention de Catherine M.
D’Art Press à Catherine M., Catherine Millet, entretiens avec Richard Leydier, « Témoins de l’art », Gallimard, 240 p., 22,50 €.
La bien médiocre exposition du musée Jacquemart André (« Fra Angelico et les maîtres delà lumière ») a permis la sortie de ce petit ouvrage ce qui est déjà un bien. Ce que nous fait comprendre l’auteur, c’est que le moine dominicain n’était pas un naïf et qu’il avait été formé auprès de Lorenzo Monaco et de Gentile da Fabriano (ce qu’on pouvait faire de mieux à l’époque en Toscane !), puis a fait connaissance avec Andrea Mantegna. Il s’est d’ailleurs bâti assez vite une solide réputation et il a été très recherché. Ce peintre merveilleux a aussi suivi les instructions de saint Antonin, qui s’appelait en fait Antonino Pierozzi, qui était prieur au couvent de San Marco (on les trouve dans la partie documentaire du volume), où l’on peut lire l’un des contrats qu’il a signé. L’utilité de ce livre est de nous enseigner la valeur de Fra Angelico comme peintre, et pas seulement comme peintre d’images pieuses. L’auteur a su nous expliquer de quelle manière il s’inscrit dans l’esprit des recherches picturales de son temps. Une seule chose m’a heurté : cette trop grande facilité à rejeter dans la sphère médiévale tout ce qui ne ressort pas des principes inaugurées par Alberti et Brunelleschi. C’est une erreur que beaucoup d’historiens font et peut-être a-t-on eu tort de baptiser « gothique internationale » cette période charnière où se sont retrouvés les artistes du duecento e du trecento.
Fra Angelico, frère angélique, peintre renaissant, Neville Rowley, « Découvertes », Gallimard, 128 p., 13,80 €.