Bibliothèque de l’amateur d’art
par Gérard-Georges Lemaire
Salvador Dali est peu apprécié des amateurs d’art contemporain. Et pourtant il est là, omniprésent, partout ! Les études le concernant se succèdent en France. Il y a eu celle, tout à fait intéressante (en dehors de quelques maladresses malencontreuses) qu’a écrite Catherine Millet (Gallimard), que j’ai trouvé une excellente manière de considérer l’œuvre de Dali : elle l’a fait sortir des clichés dans lesquels on l’a enfermé. Bien sûr, je renvoie le lecteur à l’essai de Ramon Gomez de la Serna, qui demeure un modèle de littérature sur le destin d’un artiste. Aujourd’hui, c’est le tour de Catherine Grenier, qu’on a plutôt l’habitude la voir s’occuper d’un artiste tel que Christian Boltanski. Ce qui distingue son ouvrage est qu’il ne respecte pas les règles de la biographie classique, ni celles de la monographie. En effet, il catalogue de grands thèmes qui traversent sone existence d’artiste, comme son travail sur le cinéma, les controverses qu’il a subies ou qu’il a provoquées, les théories qu’il a développées, toujours à mi-chemin entre la farce et le plus grand sérieux, ses différentes expérimentations. En fait, il existe un vrai décalage entre le livre produit (qui est un assez bien fait et cartonné de surcroît) et le contenu, qui reste au niveau d’une initiation bien faite, mais qui n’a qu’une fin pédagogique. Mais, quoi qu’il en soit c’est un livre digne d’être lu pour mieux connaître l’amateur du chocolat Lanvin !
Qu’on n’aille pas chercher des chefs-d’œuvre dans le catalogue de l’exposition de la collection Sabater qui a été présentée au contestable Espace Dali’ de Paris. Mais on y découvrira des dessins curieux, de très belles photographies (c’est sans doute dans ce domaine que l’on rencontre les choses les plus belles), des signatures d’un baroquisme extravagant, en somme mille détails qui nous font mieux pénétrer le monde intime de Dali’. Il s’agit en effet de la collection d’Enrique Sabater (né en 1936), qui a été son secrétaire entre 1968 et 1981. C’est aussi un moyen de mettre à jour un certain nombre d’anecdote et de détails intéressants sur des épisodes de la fin de la vie du grand artiste catalan, en particulier sur la recherche et la décoration du château de son épouse Gala. Bien sûr, vous me direz c’est voir le spectacle des coulisses. C’est vrai. Mais, tout de même, il faut se souvenir que Saint-Simon a dit beaucoup sur son temps avec ses mémoires que bien des historiens. Donc prenons la chose pour ce qu’elle est : une période de temps passée en compagnie de l’artiste et des documents qui en témoignent.
Dans les pages qu’il consacre au surréalisme, Werner Spies ne s’arrête pas beaucoup sur le cas de Salvador Dali’. Il ne lui consacre qu’un seul article, assez court, sur l’exposition qui a eu lieu au Palazzo Grassi à Venise en 2004 (c’était bon temps, avant Pinault !). Il ne le comprend pas et analyse à grand peine L’Enigme d’Hitler, un tableau remontant à l’année 1937. On peut se demander comment un fin connaisseur du surréalisme et un grand spécialiste de Max Ernst ait une intelligence aussi médiocre de cet homme qui n’était pas qu’un faiseur comme il est porté à le croire. Bien sûr, dans un article beaucoup plus ancien, Désir radical (le titre allemand aurait dû se traduire par « luxure radicale »,1980), il montre une bonne connaissance de l’œuvre et de son évolution. Mais il semble donner l’impression de rester à la surface des choses – en somme, aucune empathie !
Salvador Dali’, l’invention de soi, Catherine Grenier, Flammarion, 280 p., 80 €.
Signé Dali’, la collection Sabater, Espace Dali’, 282 p.
Le Surréalisme et son temps, volume 7 d’Un inventaire du regard, écrits sur l’art et la littérature, Werner Spies, Gallimard, 480 p., 159 € les neuf tomes.