Bibliothèque de l’amateur d’art
par Gérard-Georges Lemaire
L’éditeur insiste : c’est un premier roman. La Nuit du chien a plutôt l’air d’un roman écrit par quelqu’un qui a déjà de l’expérience. La quatrième page de couverture nous apprend que l’auteur fait du théâtre. Soit. Ce que je retire de la lecture de cette fiction, c’est que l’auteur a été bien influencé par le cinéma français récent. Et puis on trouve ici tous les ingrédients d’une maigre mythologie des bas-fonds de notre temps : la dérive, la drogue, le langage, la prison de temps à autre, une misère sordide, enfin le Brecht de l‘Opéra de quat’sous qui aurait fréquenté les salles de banlieue et qui aurait regardé tous les mauvais polars made in France avec tous leurs tics : un monde sans foi ni loi dans un décor de zone moderne, les personnages plus déglingués les uns que les autres, pauvres âmes perdus dans la jungle du vice et de la violence. Ce n’est pas un roman social, ce n’est pas une aventure intérieure, même si certains passages jouent sur un dédoublement de l’action et des acteurs, ce n’est pas un « reportage » sur un milieu donné, non c’est une mince trame que l’auteur s’est évertué de développer, non sans quelques vraies qualités. Mais la vision est basse, trop basse, on ne voit rien du monde. On ne voit que ce Tobias et son petit monde qui ne nous révèlent pas grand chose de ce que nous faisons sur cette terre. Disons que ce serait un bon sujet de film – de ces films qui passent trois jours dans les salles et puis s’en vont.
La Nuit du chien, Olivier Brunhes, Actes Sud, 240 p., 18,80 €
Comment, devant cette ample monographie, ne pas s’interroger sur cette inclination générale à réaliser des ouvrages énormes sur l’art contemporain ? Ils sont gigantesques, pondéreux, dispendieux. Patrick Tosani n’a pas soixante ans, et le voici pourvu d’un volume présenté par deux universitaires bon teint (en France, il faut des universitaires pour entrer dans l’histoire, figurer dans les revues et des journaux et même pour avoir une bonne galerie). Cette grande illusion est désastreuse. Il suffit dans le cas présent de consulter la biographie pour comprendre comment sa carrière s’est élaborée, entre critiques à la mode, événements incontournables, le double jeu entre la création et la photographie. L’année 1984 est exemplaire dans ce sens : toute son œuvre va se développer sur cette ambiguïté (ce qui n’est pas un mal en soi). Mais la photographie donne l’impression d’être un mode de pure séduction, comme le prouve une série de clichés de 1992 ou des chevelures sont photographiées de haut (18 clichés pour un salon de coiffure très chic) ou la suite ccd (1996) : on ne voit jamais la tête de ses modèles, qui se replient dans une position fœtale (il y a de la psychanalyse là-dessous ou du yoga, pourquoi pas ?). Laissons de côté les enfants dans des corolles (on est en pleine régression) et les Masques de 2008 qui sont ridicules. Ce sont des idées de photographies, des idées qui peuvent séduire les plus fanatiques par son conceptualisme à deux sous des hiérophantes de l’Art Contemporain, dont l’inculture est le signe de reconnaissance.
Patrick Tosani, Gilles A. Tiberghien & Michel Poivret, Flammarion/CNAP,