par Claude Jeanmart
MES SIGNATURES (à la demande d’une artiste faisant un travail universitaire sur ce thème).
Les premières fois que j’ai exposé des peintures, j’étais un très jeune artiste, et je pensais qu’il était normal et nécessaire de signer ses tableaux, comme le faisaient la plupart des autres peintres, en bas à droite. Ça a duré des années, jusqu’au jour où j’ai estimé que ça me prenait beaucoup de temps, et qu’en plus, cette signature était trop voyante, comme un excès de prétention.
Lorsque j’étais enseignant, on exigeait que je signe, chaque heure un cahier de texte, que presque personne ne lisait. Dans la fièvre des fins de cours avec 25 jeunes pleins d’énergie, j’ai vite renoncé à ma signature même rapide, et j’ai finalement composé une sorte de logo – sigle, avec mes initiales CJ. Je me suis alors souvenu d’un signe de ponctuation inventé par Alcanter de Brahm, un écrivain oublié du XIX° siècle : le point d’ironie ! Voilà qui me convenait parfaitement, j’ai repris ce signe mais pour m’en démarquer, j’ai placé, logiquement, le point au dessus, sur le J. Et j’ai « signé » de ce sigle un rien facétieux, à partir de la fin des années 1970, en me gardant bien d’en révéler l’origine.
Les années 70 /80
« Pierre Soulages a visité ton atelier il y a une quinzaine d'années; il t'a encouragé à peindre, mais il t'a dit qu'il y avait en toi plusieurs peintres ? »
ClJ : « il a eu une phrase à cette époque, qu'il m'a fallu un certain nombre d'années pour digérer; à ce moment là je touchais à une profusion d'activités dans le domaine de la création; c'était la peinture et le dessin, mais c'était aussi la gravure, le monotype, c'était un travail sur l'image audio-visuelle sur la danse, le théâtre et j'en passe. Et Soulages a eu cette phrase: « vendez les terres et gardez la maison » . Ça voulait dire qu'il fallait que j'arrive à resserrer tout çà (je faisais aussi de la musique). Et c'est vrai qu'au fil des ans j'ai restreint le nombre de ces activités dans lesquelles je me dispersais, pour arriver un jour à ne garder que l'essentiel, la peinture et le dessin qui ont pris le pas sur tout le reste (entretien avec Danielle Dupin de ST Cyr, 1990).
La photographie : Le Baiser, 1981
C’est une recherche picturale. Les moyens mis en œuvre, même s’ils concernent la photo, sont finalement (dans ma tête), du domaine de la peinture : chaque image est orientée, en elle-même, à l’intérieur de chaque panneau, et chaque panneau par rapport aux 13 autres. La couleur polychrome ou monochrome s’éloigne de tout réalisme photographique. (1985)
Si je dis que je suis peintre et que je fais aussi de la photo…c’est pour dire que la photo ne saurait être réduite à sa seule spécificité technique, parce que, comme la peinture, elle est d’abord de la pensée qui se transforme en acte. « (1999)