par Claude Jeanmart
Quand le monologue intérieur cesse et qu’il n’y a plus de questionnement ni sur le pourquoi, ni sur le comment, alors ce qui était acquis peut être submergé. Cette nouvelle marée fertilise les émotions ; et des images mentales indicibles prennent corps, lentement, sans l’avis du créateur. Le peintre doit alors faire des choix, organiser une procédure, car la peinture c’est d’abord de la pensée qui se structure, pour un jour, faire apparaître un style (carte d’identité du peintre).
Le choix d’un thème, qui naît de la rencontre entre l’Histoire et sa propre histoire personnelle, apparaît comme un lieu de réflexion, comme un lieu de maturation d’une pensée, d’une intention, d’une perception, d’un sentiment.
Le thème, ou sujet, fonctionne comme élément fédérateur : il impose une cohérence entre chaque élément et le tout, ainsi qu’une restriction et une homogénéisation des moyens mis en œuvre, tels que gamme colorée, nombre de signes, unification des formats.
Le thème fonctionne aussi comme élément exploratoire : on se déplace dans le thème comme dans un labyrinthe, pour tenter d’en épuiser, au moins provisoirement, le sens. Le thème est limite, contrainte délibérée et nécessaire, mais aussi moteur, source de renouvellement d’énergie.
Le thème de l’errance
Ce thème se forme confusément en novembre 1993. A la suite de la série intitulée « le voyage mental », un ensemble de cinquante gravures, laissé sans titre, avec collages, transparences, reprises à l’huile, fait apparaître le visage et sa répétition, le corps en marche et sa multiplication.
Une nouvelle série commence, mais les bois et les linos gravés, sont placés sous les feuilles de papier, et leurs empreintes sont relevées par frottage. Des grillages, des cannages complètent la panoplie plastique. La photocopie marouflée, permet la multiplication de chaque gravure, tout en jouant sur des échelles différentes, par agrandissements.
Les personnages des premières gravures s’estompent, se transforment en silhouettes incertaines, presque grossières, comme aperçues au loin, tandis que d’autre, dénaturées par le grossissement, s’encastrent dans des ouvertures. Le titre s’impose : Errance.
Comme un regard jeté en arrière : ce sont des thèmes récurrents depuis mon enfance.