IL est certain que lorsque je veux plonger au plus près, au plus grave dans le sujet j'utilise la peinture, et lorsque je m'interroge, lorsque j'essaye d'inventer des choses nouvelles, de déraper, de me laisser une petite liberté, une marge de transgression par rapport au sujet qui m'accapare et auquel je reste très accroché, c'est le dessin qui me le permet davantage. Ca ne veut pas dire que dans les peintures je sois moins libre, j'ai même constaté le contraire, c'est à dire que la peinture a un côté plus monumental, un rapport à la matière beaucoup plus violent. En effet je démarre mes peintures au sol,
donc la peinture coule, j'éclabousse, je verse de grosses quantités, j'utilise des brosses très larges, des couteaux, des truelles, des racloirs. Il y a une brutalité, une abondance de la matière, une exubérance du geste, que le papier ne supporterait pas. Le papier reste quelque chose d'un petit plus confidentiel, d'un peu plus lié au rapport entre l'œil et la main. Le dessin entretient une plus grande proximité avec son spectateur, ne serait ce que par ses dimensions, et par sa fragilité. Le dessin, en particulier celui à la craie, outil simple à manier, sec instantanément, que l'on peut corriger sans attendre, que l'on peut estomper, diluer, effacer d'un coup de chiffon et d'essence, permet une liberté, une fantaisie, une exploration quasi instantanées, qu'il est plus difficile de maîtriser avec la peinture.
Inversement, la toile de part ses dimensions possibles, de part sa texture, sa résistance, sa capacité à accrocher, à supporter la violence du geste, la lourdeur d'un empâtement, permet un approfondissement de l'idée, de la sensation, permet en ce qui me concerne, bien sûr, de réinvestir dans la peinture les trouvailles, les décalages, du dessin (entretien avec Dupin de St Cyr).
Peinture :
Tryptiques(1977-1979), Pyramides(1982), Les Géants fous(1983), Mme Edwarda (1983).
Ma formation artistique était tout à fait conventionnelle pour ne pas dire académique, après quelques années d'Ecole des Beaux Arts à Amiens et une formation à Paris, aux Arts Appliqués et à L'ENSET. Je me suis alors trouvé tout naturellement être un peintre figuratif, à une époque où dans ces écoles la peinture abstraite n'était pas enseignée. On n'en parlait même pas. C'est donc par la suite que j'ai découvert tout seul la peinture américaine et l'abstraction en général, qui était pourtant largement antérieure à la période de mes études. Par la suite un certain nombre d'événements artistiques se sont produits en France: je pense en particulier à l'impact sur tous les peintres des années 70, de ce qu'il est convenu d'appeler Support - Surface. Ceci et d'autres éléments de réflexion m'ont conduit progressivement à abandonner la figuration au profit d'un travail abstrait, c'est à dire ne représentant pas des personnages, des objets, » Les Triptyques
(entretien avec Dupin 1990)