C'est le sens, porté par l'émotion, qui dirige les choix du peintre.
        J'ai appris, avec le temps, à laisser affleurer le non-dit, à laisser se former sur la toile ce qui reste aussi pour moi une part d'inconnu.
        J'ai compris progressivement que la peinture avait aussi partie liée avec l'instinct. Et si j'écris parfois, à propos de ma peinture, c'est, après l'avoir faite, non pour la justifier, ou pour l'expliquer, mais pour me dire que l'intérêt de la chose, c'est la quête, sans fin.
        Pour ne pas me dérober, je dirais que ma peinture se situe à la frontière entre figuration et abstraction. La présence sous-jacente des corps est évidente, mais également celle d'une nature abordée par sa minéralité. Il n'y a aucune ligne fuyante, aucun jeu d'ombre ; et pourtant l'espace et la lumière en sont le fondement.
        La somme des repentirs s'accumule en une surface abrasive : matière.
        La matière, l'aspect de surface de la toile, c'est la mémoire du travail, la trace de l'aventure. C'est la réflexion qui s'organise, l'émotion qui se révèle, la bataille qui fait rage.
        C'est l'énergie qui colmate un manque, qui incise et fouille dans la pâte, qui obture les hésitations, qui décapite les morceaux devenus inutiles, c'est le geste qui vient au secours de la pensée. Je ne décide pas à l'avance de quel effet je vais jouer! Je n'en sais rien !
        La toile évolue seule, dans le temps. Je choisis ce qui me semble évident, nécessaire, et que j'arrive à maîtriser dans l'instant. Peintre, je me contente de vivre de mes doutes, de mes contradictions, sans me soucier des étiquettes et des catégories.

La conception en peinture

Préambule

L’origine de la conception créatrice est à chercher dans la sédimentation d’un ensemble hétéroclite, fait de souvenirs confus, d’expériences enfouies.
        On y trouve aussi bien le désir, que le regret, l’enfance lointaine et ses archaïsmes fondateurs, que la conscience adulte, du temps et des jalons qu’il inscrit dans l’affectif, et la pensée, constructrice de l’identité…
        Dans l’acte créateur, tous ces témoins d’un devenir, d’un probable, sont convoqués, sans préséance, sans ménagement.