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[verso-hebdo]
15-11-2018
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Brève histoire du monde, Ernest Gombrich, traduit de l'allemand par Anne Georges, Hazan, 360 p., 29,95 euros

Ce livre d'Ernst Gombrich (1909-2001) est intéressant à plus d'un titre. C'est d'ailleurs le premier qu'il publie en 1936 à Vienne, année d'une grande importance pour lui puisqu'il se marie et décide d'émigrer en Angleterre. Il avait étudié l'histoire de l'art sous la férule de Julius von Schlosser à l'université et avait soutenu sa thèse sur « Giulio Romano architecte ». Sans travail, nous explique sa petite-fille, dans la préface, en 1935, un éditeur Walter Neurath, lui propose de traduire un livre en allemand pour une collection de vulgarisation destinée aux enfants. Gombrich lui dit que cet ouvrage ne valait pas la peine d'une traduction et qu'il pourrait lui écrire un livre de genre. Ce qui a été accepté et c'est le livre que nous avons entre les mains. Il faut reconnaître un Gombrich un don exceptionnel pour ce genre d'ouvrages. Il a été en mesure de raconter l'histoire de l'homme et des diverses civilisations des origines jusqu'au temps présent avec simplicité, mais sans réduite les choses à une suite de banalités et de lieux communs. C'et absolument remarquable. Et ce réel talent, il va s'en servir à partir du moment où il collabore au Warburg Institute de Londres jusqu'à l'époque où il en est devenu le directeur. Sa fameuse Histoire de l'art, parue en 1950, était aussi un traité destiné à la jeunesse ; il a été utile de nombreux étudiants en Grande-Bretagne et dans le monde. S'il peut être regardé comme un grand spécialiste de la Renaissance, il a également été l'auteur d'un grand nombre de publications permettant de mieux comprendre le rapport que que le commun des mortels entretient avec l'art, comme L'Art et l'illusion ou Ce que l'image nous dit. Avec les très belles illustrations de Carla Sonia, ce livre peut constituer à la fois une belle idée de cadeaux pour un enfant qui pourra y trouver les premiers rudiments pour embrasser l'aventure humaine de puis l'ère antique jusqu'au XXe siècle, sa lecture est simple, mais son texte est écrit de telle sorte qu'il reste captivant de chapitre en chapitre.




J. Pons, l'art comme le bonheur est un risque, musée de l'Hospice Saint Roch, Issoudun, 104 p., 20 euros

Cette exposition est importante car elle nus révèle toutes les facettes de Jean Pons (1913-2005) que nous connaissons mieux comme créateur d'un important atelier de lithographie où sont venus travailler de grands artistes. Il l'a confié dès 1973 à sa fille Elisabeth qui aujourd'hui l'a transféré à Issoudun. Jean Pons a été aussi poète. Ma sa véritable passion a été la peinture. Jeune homme il est allé étudier dans diverses académies de Montparnasse, puis il est entré à l'école Etienne. Il a exposé pour la première fois au Salon des Indépendants en 1932. Pendant le Front populaire, il s'intéresse à l'éducation des ouvriers. Il participe à de nombreux salons et rencontre deux critiques qui s'intéressent à lui, Charles Estienne et Gaston Diehl. Sa première exposition personnelle n'a lieu qu'en 1952 à la galerie Suzanne Michel. A cette époque, il est plutôt tourné vers l'art abstrait. Mais, au fil du temps, il conjugue abstrait et figuratif d'une façon très personnelle. Il participe à l'éphémère Salon d'Octobre et il organise aussi plusieurs expositions collectives. Son style évolue sans cesse, mais il n'a jamais été tenté de changer radicalement son orientation. Ses compostions ne cessent de varier, mais les principaux paramètres de son art subsistent. Ses toiles sont remarquables par sa grande liberté d'expression, comme le prouve Le Triomphe ou Les Chevaux de Malaparte. En 1957, il prend part à l'exposition « 50 ans d'art abstrait » organisée par Michel Seuphor. Il a sa première rétrospective en 1967 à l'aéroport d'Orly. Voilà résumé en quelques lignes son parcours. Mais cette petite rétrospective permet de prendre toute la mesure de la valeur de sa démarche et de ne plus le voir seulement comme un grand maître de la lithographie.




Michel-Ange, tome II, Hector Olbak, Hazan, 112 p., 25 euros

Michel Onfray n'hésite pas à parler de lui comme d'un génie. On croit rêver ! qui aura lu son premier livre, avec lequel il a voulu faire scandale - Andy Warhol n'est pas un grand artiste -, ne pourra guère s'en convaincre : c'est un faiseur habile qui a ensuite montré sa vraie nature en parlant d'un second couteau de la Figuration libre, François Boisrond. Avec cet ouvrage, il atteint les sommets : il dévoile la seconde partie de la carrière de Michel-Ange sous la forme de bande dessinée. Mais au lieu de mettre des dessins, il a utilisé des photographies des oeuvres du grand artiste ; celles-ci sont assorties d'un petit commentaire nécessairement schématique (et parfois erronés, qui se limité souvent à une description de ce qu'on a sous les yeux) qui sont censés expliquer l'essentiel de son art. C'est à la limite du grotesque (je devrais même dire qu'il a franchi ces limites). Je m'interroge encore plus sur l'éditeur. Je suppose qu'il a tenté de toucher un public de très jeunes gens et assez incultes en la matière ; mais à force de dégrader les oeuvres d'art et les grands créateurs, peut-être finira-t-on par rendre totalement illisibles les productions des maîtres d'autrefois ; je ne crois pas du tout qu'avec ce système, on parvienne à enseigner quelque chose de très significatif et de profond aux jeunes générations. Oui, ce livre possède le don d'inquiéter pour l'avenir de l'édition d'art.




Renoir père et fils, Flammarion / Musée d'Orsay/The Barnes Foundation, 312 p., 42 euros

Quel beau catalogue ! Les destins du père et du fils sont ici croisés et permettent de voir tout ce qui les rapproche bien qu'ils aient chacun choisi des modes d'expression très différents, l'un étant l'héritage d'un passé prestigieux et profondément revisité et renouvelé, l'autre étant issu des nouvelles techniques apparues et développées à la fin du XIXe siècle ; quand Pierre-Auguste Renoir a adopté le langage novateur de l'impressionnisme, la photographie avait déjà une histoire derrière elle et avait aussi servi les artistes. Le cinématographe, par contre, ne fait son apparition que quand il était déjà âgé et reconnu. Si Jean est attiré par une forme de réalisme et même de naturalisme, il est parfois assez proche de ce que son père a pu peindre. Une partie de campagne, par exemple, rappelle un peu son univers enchanteur des bords de la Marne et de la Seine et aussi celui des écrivains qu'il a fréquentés. Le jeune Jean, comme le rappelle Dudley Andrew dans un bel essai, a grandi au milieu de ces hommes de lettres que son père fréquentait, comme Emile Zola, Guy de Maupassant et Octave Mirbeau, pour ne parler des plus célèbres. Les deux premiers l'ont particulièrement inspiré : il suffit de songer à Nana, tiré du célèbre roman de Zola, qu'il a tourné en 1926et encore plus de La Partie de campagne (1946), inspirée par Maupassant. C'est d'ailleurs, en dépit de son ironie cruelle, digne de l'auteur de Bel ami, le film où il s'est le plus rapproché de l'esthétique de son père dont l'oeuvre, à l'époque, était entré dans les musées. Gustave Flaubert a aussi beaucoup compté dans la genèse de sa recherche filmée. En somme, il a aimé les hommes de lettres qui ont entouré ce père qui a fasciné ces derniers et qui, en apparence, paraissent si loin de la poésie plastique de Renoir. Mais il ne faut pas oublier que cette littérature là, aussi rude et crue fut-elle, entretenait une curieuse connivence avec les peintres impressionnistes car ceux-ci avaient aussi voulu dépeindre cette vie moderne qu'avait encensée Baudelaire. Renoir avait peint la vie des boulevards parisiens, la vie mondaine et pas seulement les champs, les bosquets, les guinguettes et les bords des rivières. Tout comme Monet avait peint la gare Saint-Lazare a maintes reprises. Bien sûr, le petit Jean dont on voit les portraits exécutés par son père ou au milieu du cercle de famille, représenté d'une manière un peu mièvre (ce qui a été le penchant de son père à la fin de sa vie) n'a pas été seulement inspiré par l'oeuvre picturale de celui-ci. Mais il est clair que la trace qu'il a pu imprimer en lui a été déterminante ; je songe en particulier au merveilleux French Cancan de 1955, qui remémore avec émotion le monde de l'art de l'époque où son père affirmait sa peinture et ou Henri de Toulouse-Lautrec dessinait les affiches de ce célèbre établissement -, la première manufacture du divertissement au bas de la butte Montmartre. Grâce à une documentation photographique abondante et parfois rare (en ce qui concerne le fils), voici une exposition et un livre qui offrent à tous la possibilité de suivre l'histoire d'un père et d'un fils qui ont été tous deux de très grands créateurs et de leurs relations.




Renoir, « il faut embellir », Anne Distel, « Découvertes », Gallimard/ Réunion des Musées Nationaux, 176 p., 15,9o euros

De tous les ouvrages qui ont vocation à l'initiation du lecteur à l'art, ceux de la collection « Découvertes » sont en général les plus intéressants. Ils ont offrent un panorama assez complet et de la vie et de l'oeuvre d'un artiste. Eh bien, c'est le cas en ce qui concerne cette monographie consacrée à Pierre-Auguste Renoir (1841-1914), qui est très bien faite. En plus l'iconographie est très riche et permet de se faire une idée générale de son parcours artistique ; le plus intéressant est le dossier réunissant des documents qui se trouve à la fin de l'ouvrage : on y découvre quelques lettres révélatrices, des témoignages, des pages savoureuses ou horripilantes de critiques ou de collectionneurs de l'époque, des pages écrites par son fils, le cinéaste. En somme, toutes sortes d'outils sont mis ici à notre disposition pour comprendre sa personnalité, et comment il a été perçu par ses proches ou ses contemporains. De toute évidence, il faudra ensuite se procurer des livres offrant un nombre plus conséquent de reproduction ou une biographie détaillée. Mais d'ores et déjà, avec ce petit livre, nous sommes capables de pénétrer dans son univers, en passant par la grande porte, sans réduction ad minima de sa longue carrière, qui a fini par être couronnée de succès.




Jean Renoir, cinéaste, Celia Bertin, « Découvertes », Gallimard, 144 p., 15, 70 euros

Jean Renoir (1894-1979) a été sans conteste possible l'un des plus grands cinéastes du siècle dernier. Il a laissé des chefs-d'oeuvre, comme La Partie de campagne, La grande illusion, La Règle du jeu, La Marseillaise, Le Déjeuner sur l'herbe, French Cancan, pour ne citer que les premiers qui me viennent à l'esprit. Il a aussi été un homme de lettres tout à fait remarquable (il n'a pas donné toute sa mesure dans ce domaine) et un mémorialiste de premier plan, puisqu'il a rendu hommage à son père illustre en lui consacrant une biographie et a aussi produit une autobiographie. Cet homme cultivé et engagé n'a jamais voulu jouer la carte de l'expérimentation. Ce qui ne l'a pas empêché d'être un visionnaire. Il a été réaliste dans l'âme, le plus souvent proche de Guy de Maupassant, et parfois d'une crudité cruelle, comme dans La Chienne (1931) ou déjà dans Nana (1926) d'après le roman d'Emile Zola. Mais cela ne l'a pas empêché d'insinuer une grande poésie dans un certain nombre de ses films, surtout dans l'inoubliable Boudu sauvé des eaux (1932) avec Michel Simon qui joue le rôle titre, à la fois sombre et comique, et aussi des réminiscences de l'univers de son père. Très bien illustré, ce livre nous fait découvrir l'univers de ce cinéaste d'exception, qui a parfois osé faire des oeuvres qui sortent de l'ordinaire comme Le Fleuve (film tourné entre 1949 et 1950). Le livre rend fidèlement compte de cette aventure très exigeante (on se rend compte, si l'on est un peu cinéphile, qu'on a vu et admiré tous ses films à l'exception des premiers). Comme toujours, il y a de nombreux documents et une iconographie merveilleuse.




Le Chiffre de la peinture, l'oeuvre de Valerio Adami, Michel Onfray, Galilée, 144 p., 23 euros

Les philosophes ont depuis de nombreuses années envahit le champ de l'art. Ils se sont détournés de la sphère de l'esthétique, qui sous-entend un système complet avec une métaphysique articulée. Ce n'est plus possible ! Dans cet essai, Onfray part d'une intuition, qui serait que toute oeuvre d'art contiendrait un chiffre, c'est-à-dire une énigme. Cela ressemble à l'image dans le tapis d'Henry James dans sa célèbre nouvelle homonyme. Pourquoi pas ? Ce pourrait en tout cas être la condition nécessaire et suffisante de l'avènement d'un acte artistique. Dommage que cette intuition l'ait conduit à considérer que l'oeuvre serait le fruit de l'inconscient (dans les première pages de ce livre, il fait un distinguo obscur entre deux formes opposées d'allégories échappant à la tradition religieuse). Ce qui le conduit à placer la création dans le champ de la psychanalyse, l'inconscient en étant le principal moteur. C'était une théorie déjà avancée par Jean-François Lyotard il y a quelques décennies. Les spéculations de Sigmund Freud deviennent donc la légitimation théorique de l'art. A mes yeux, c'est trop simpliste et certainement faux : il n'y a d'art que profondément conscient, même si la vie profonde de l'artiste y contribue, comme pour chaque être humain. Malgré ce malheureux présupposé, Onfray explore avec beaucoup de pertinence l'univers plastique d'Adami qui, au fil du temps, tout en affirmant la primauté du dessin, a été la recherche d'un monde moins cohérent et par conséquent moins ordonné. Il insiste aussi sur son rapport à la philosophie moderne, dont témoignerait le portrait de Jacques Derrida. En dépit de ses manques, de ses errances, et d 'un incompréhension de la quête artistique, il a très bien compris ce qui s'est joué dans l'histoire de la peinture depuis les temps antiques : le passage d'un message explicite pour beaucoup à un mode de représentation cryptée ou à double sens. Il aurait d'ailleurs dû creuser un peu plus en ce sens dans ce livre où l'on trouve de beaux moments de pensée. On notera au passage que l'artiste a toujours recherché la caution des philosophes.




Solal et les Solal, Abert Cohen, édition présentée par Philippe Zard, Gallimard, 1664 p., 32 euros

Pour comprendre l'oeuvre d'Albert Cohen (1895-1981), il faut connaître les grandes lignes de sa biographie. Né à Corfou (qui appartient alors à l'empire ottoman) où son père -, un Juif romaniote, fabriquant de savon -, il doit émigrer avec ses parents en 1900 à cause de la dégradation des conditions de vie de la communauté de l'île et les déboires de la société familiale. Ses parents s'installent alors à Marseille et ouvrent un négoce d'huiles et d'olives. Sa scolarité est normale et il se retrouve au lycée Thiers en compagnie de Marcel Brion et de Marcel Pagnol, avec lesquels il devient ami. Après son baccalauréat, obtenu en 1913, il fait ses études universitaires à la faculté de droit à Genève. Il commence à s'intéresser à la cause sioniste et se consacre à l'écriture. Il publie son premier texte dans la Nrf. Il épouse une fille de pasteur calviniste, Élisabeth Brocher. Il devient avocat la fin de 1919. Il publie cette même année ses Poèmes juifs. Devenu citoyen suisse, il ne parvient cependant pas à trouver un travail décent dans son nouveau pays. Il décide d'aller vivre à Alexandrie. Il fait paraître en 1921 un second recueil de poèmes, Paroles juives, chez l'éditeur Crès. Cette année-là, il va travailler quelques mois au Caire puis retourne en Suisse, demeurant à Genève. En octobre de l'année suivante, il signe avec Jacques Rivière un contrat pour plusieurs romans à paraître chez Gallimard. Sa femme meurt d'un cancer en 1924. L'année suivante, il prend la direction de La Revue juive qui paraît chez son nouvel éditeur. Il y publie, parmi tant d'autres, Freud, Albert Einstein, Max Jacob, Pierre Benoit, et aussi des inédits de Marcel Proust. Mais la revue cesse de paraître à son sixième numéro. Il trouve un poste au BIT de Genève. Il continue à écrire avec constance et prend même un congé de plusieurs mois pour s'y consacrer totalement en 1927. Solal, son premier roman paraît en 1930. Cet ouvrage a une forme grandement autobiographique bien qu'il n'y raconte pas sa propre histoire : son héros est un jeune garçon de Céphalonie, qui va finir par séduire la femme du consul de France ; cette liaison fait jaser et il décide de quitter l'île de son enfance pour aller en France, d'abord à Marseille, puis à Paris, où il épouse la fille du premier ministre. Il obtient ensuite le portefeuille du Travail. Le judaïsme tient une place de premier rang dans cette fiction, car l'ambitieux Solal n'oublie pas ses origines et fait venir des réfugiés juifs dans son château. Mais ses agissements ne plaisent pas et il perd sa fonction et puis tombe en disgrâce. Et il finit par se suicider. Il s'occupe alors d'un autre revue, prolongement de la précédente : Palestine, - Nouvelle revue juive. En 1931, il épouse Marianne Goss et son livre connaît un certain succès et est traduit en plusieurs langues. Il quitte son poste au BIT et s'installe à Paris. Il écrit pour le théâtre, Ezéchiel, qui n'est joué qu'un soir au théâtre de l'Odéon (mais est repris deux ans plus tard à la Comédie française). Il poursuit la saga de Solal et rédige un énorme manuscrit d'où est tiré son second ouvrage, Mangeclous, qui paraît en 1938. Cette fois, il adopte une tonalité bouffonne toute rabelaisienne. il repart de sa Céphalonie natale, comme s'il avait voulu écrire autrement son premier roman et son héros traverse la Méditerranée pour se rendre encore une fois à Marseille et à Paris. Cette fois il mène son aventure avec cinq de ses cousins, les Valeureux. Toute l'histoire a pour décor l'Europe de 1936, qui court sa ruine et la montée de l'antisémitisme. A cette époque, Albert Cohen s'engage de plus en plus en faveur de la cause sioniste. Il est nommé conseiller auprès du département politique de l'Agence juive pour la Palestine en 1939. Replié à Bordeaux, il rejoint l'Angleterre en abandonnant tous ses papiers littéraires. Il travaille pour La France libre, journal dont Raymond Aron est le rédacteur en chef, et, en 1944, il collabore au CIR à Londres. Il commence à écrire Le Livre de ma mère. Il se sépare de sa femme. Il ne quitte l'Angleterre qu'en juillet 1947 et retourne s'installer à Genève. Il y travaille pour les Nations Unies, puis retrouve sa place au BIT. Il prend sa retraite en 1951 et ne se consacre plus qu'à la littérature. Le livre de ma mère sort de presse en 1954. Il se marie de nouveau l'année d'après. Il termine Belle du Seigneur en 1967 et l'ouvrage, mais il doit publier Les Valeureux (la suite de l'histoire de ces cousins de Solal) en 1969 -, il faut préciser que ce texte figurait à l'origine au début des Belle du Seigneur, qui apparu un an plus tôt. Ce troisième volet de cette « Geste des Juifs», comme il baptisa lui-même cet ensemble de quatre livres, repose d'abord sur l'histoire d'amour qui se noue entre Solal et Ariane, qui est mariée, mais qu'il parvient à séduire et ensuite à enlever. Après ces moments fiévreux d'amour, il dépeint le déclin de ce couple qui finit par se droguer et puis par se suicider à l'hôtel Ritz de Genève. Bien entendu le tout le récit se déroule dans le contexte de l'Europe d'avant la guerre (il s'achève en 1937) et est un compendium de la situation qui n'avait cessé de se dégrader, comme la vie amoureuse des deux héros se fait alors une descente aux Enfers. On a parlé de chef-d'oeuvre est le livre est sans doute considéré comme l'un des plus saisissants de l'après-guerre. La fin de sa vie est marquée essentiellement par la maladie, qui ne lâchera plus jusqu'à son décès en 1981. Il est vrai que ces quatre romans n'en font qu'un malgré l'incroyable distance temporelle entre la rédaction du premier et celle du dernier. Il ne constitue qu'un tout monumental, mais avec une écriture qui ne cherche pas les effets ou les curiosités stylistiques : Cohen écrivait avec une grande simplicité, mais aussi une grâce sans nom et un génie de conteur. Personne aimant la chose littéraire ne peut manquer de découvrir ce gigantesque roman feuilleton brillant et de haute volée. A noter que l'éditeur aurait pu reprendre le terme réunissant ces quatre oeuvres, La Geste des Juifs.




Le Corbusier n'a pas rencontré Freud, Roland Castro, Editions du Canoë, 66 p., 10 euros

On se souviendra des efforts accomplis par Roland Castro pour remodeler l'urbanisme de la région parisienne -, efforts qui n'ont pas pu être couronnés de succès tant la tâche était immense, onéreuse et aussi semée de mille embuches. Ce n'étaient pas ses idées qui étaient erronées, mais le problème que posait la nécessité de planifier le projet sur plusieurs décennies. Mais il a tout de même donné une impulsion, qui s'est traduite, avec le temps, par des changements d'orientation et quelques réalisations positives qui ont modifié un peu le paysages urbains et la conception de la vie sociale de l'époque ; dans ce petit ouvrage, il écrit une préface très éclairante sur ses ambitions et aussi sur leurs fondements. Il évoque une conférence qu'il avait donnée à l'université de Princeton en 1992 où il s'en est pris vertement aux dogmes modernistes proposés par Le Corbusier et qui ont, surtout après la dernière guerre, conditionné l'architecture et l'urbanisme, tout en schématisant sa pensée. Il évoque aussi un événement qui a été crucial pour lui alors et qui a radicalement changé sa façon e voir les choses et en particulier son métier : celle qu'il a faite avec Jacques Lacan. On comprend que la psychanalyse est devenue pour lui, dans une version qui pour lui est devenue catholique, une dimension à intégrer dans la réflexion architecturale ; Comment ? Cela, il ne nous le dit pas ! Dans son efficace etpertinent pamphlet, il démonte sans ménagement les principes de la pensée de Le Corbusier et montre à quel point le plan Voisin, qui préconisait la destruction presque totale de Paris, était sous-tendue par l'ambition folle de réduire à néant toute la mémoire urbaine de la capitale française. C'est alors qu'il explique en détail ce qui différencie la pensée du Corbusier et celle de Freud, pour le premier, le monde doit être rationnel et positif, alors que le monde freudien contient des ombres et des éléments irrationnels. Il n'est que trop évident que le discours du grand architecte est totalisant, pour ne pas dire totalitaire ; et il se veut universel avec la conception du style international. Il préconise une ville où s'affirment la subjectivité, la diversité, la plasticité et un possible développement futur avec un autre langage. Ces conclusions, il y est parvenu, avoue-t-il, grâce à son analyse avec Lacan. Il aurait pu y arriver tout simplement en méditant sur la question ! Mais peu importe. Ce qu'il souhaite, c'est que la ville redevienne poétique. Ce dessein mérité d'être salué, car c'est bien le drame que nous avons vécu et que nous continuons à vivre, même si l'attitude de pas mal d'architectes a changé.




D'où vient cette pipelette en bikini qui marivaude dans le jacuzzi avec un gringalet en bermuda ? , Daniel Lacotte, Points, 288 p., 7,4o euros

Le titre est sans nul doute divertissant, mais il risque de ne pas être compris. Il s'agit ici d'un petit dictionnaire, sans prétention aucune, qui n'a pas vraiment volonté d'exhaustivité ou de recherche systématique en fonction d'une clef bien précise. L'auteur a souhaité expliquer l'origine de certains mots, les uns très courants, les autres plus curieux, et d'enrichir ainsi notre connaissance de notre langue tout en s'amusant ; il faut dire que ce ne sont pas des définitions qu'il nous fournit, mais une étymologie et une histoire, mais bien loin du sérieux du grand Littré. Certaines de ces origines sont très classiques, comme le mot mausolée, qui vient du monument funéraire édifié par la veuve du roi Mausole. La majolique dériverait de Majorque, mais on ignore le pourquoi. Aussi incroyable que ce soir le plat nommé carpaccio vient bien du célèbre peintre Vittore Carpaccio : le directeur du célèbre Harry's Bar (Cipriani) de Venise l'a créé et l'a baptisé en songeant au grand artiste. On navigue ainsi de termes très communs dont on a toujours ignoré la source à bien des mots qui sont issus du nom d'un savant, d'un inventeur, d'un écrivain, etc. C'est agréable à lire et souvent drôle, plein de surprises, surprenant parfois ; en tout cas c'est un moyen agréable de se faire une culture tout en se distrayant ; concilier les deux choses est un tour de force, surtout de nos jours ; d'où la valeur de ce dictionnaire facétieux.




Les 100 plus belles récitations de notre enfance, Philippe Genion, Points, 512 p., 18, 90 euros

C'est une très belle idée que d'avoir songé à cette anthologie qui nous ramène à notre enfance et aux années du lycée. Oui, Verhaeren, Sully Prudhomme (le premier prix Nobel !), Albert Samain, Lamartine, Hugo, cela va sans dire, Ronsard, Clément Marot, Joachim du Bellay, sans oublier Paul Verlaine ! Voilà des noms qui ramène à l'épique des plumiers et de l'encre violette ! Ben sûr, il y a ici des poèmes que je n'ai jamais appris et des auteurs modernes qu'on ne nous faisait pas connaître, comme Aragon et Eluard. Seul Jacques Prévert avait droit de cité. Voilà une bien belle manière de produire des sentiments nostalgiques et de relire des poèmes que nous avions parfois oubliés ! On aura plaisir à plonger dans ce passé scolaire ou encore d'offrir ce choix délicieux à des parents ou à des amis de notre même génération. Je ne regrette qu'une chose : qu'on ait oublier de parler d'un grand poète, qui m'avait tant plu et qui est mon homonyme : Jean Lemaire de Belges (1473-1524), qui serait né soit à Bavay, soit à Hargnies. Il a une oeuvre poétique de premier plan et a été un chroniqueur de talent auprès de Marguerite d'Autriche et puis de Philippe Ier, roi d'Espagne. Il est, entre mille choses, l'auteur de l'Illustration de Gaule et Singularité de Troie. Comme vous n'avez sans doute jamais entendu parler de lui, voici le début d'un poème, la Chanson de Galatée, bergère :

« Arbres feuillus, revêtus de verdure,
Quand l'hiver dure on vous voit désolés,
Mais maintenant aucun de vous n'endure
Nulle laidure, ainsi vous donne nature
Riche peinture et fleurons à tous lez,
Ne vous branlez, ne tremblez, ne croulez,
Soyez mêlés de joie et flourissance :
Zéphire est sus donnant aux fleurs issance. »


Gérard-Georges Lemaire
15-11-2018
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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