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[verso-hebdo]
21-06-2018
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Artistes & robots : le point sur la question |
Le prophète Nam June Paik l'avait bien dit en 1975 : « Marcel Duchamp a tout fait sauf la vidéo. Il a fait une grande porte d'entrée et une toute petite porte de sortie. Cette porte-là, c'est la vidéo. C'est par elle que nous pouvons sortir de Marcel Duchamp. » La formidable exposition du Grand Palais Artistes & robots (jusqu'au 9 juillet) fait toute sa place à Nam June Paik et à d'autres pionniers comme Nicolas Schöffer et Jean Tinguely, mais elle va beaucoup plus loin que la simple vidéo. Par « robots » il faut entendre « logiciels » (l'exposition a notamment pour sponsor IBM France) et essayer de prendre la mesure du phénomène dont nous sommes tous plus ou moins témoins et qui nous entraîne en effet au-delà de l'état de crise où se trouvait l'art dans la période post-duchampienne. Les arts-robots n'imitent pas les arts qui existent, ils les hybrident et les pénètrent en les modifiant sensiblement nous dit dans un texte passionnant la co-commissaire Laurence Bertrand Dorléac.
La responsable de l'enseignement de l'histoire de l'art à Sciences Po nous rassure dès les premiers mots : « alors, du calme : sur la longue durée, les artistes sont parmi les meilleurs combattants du pire des mondes qui se profile depuis toujours. » Oui, depuis toujours : l'auteure remonte au Ve siècle avant J.-C. « au moins ». Le monde s'est très longtemps raconté à partir d'une créature fabriquée de toutes pièces : le Golem qui a inspiré les artistes s'inscrit dans une lignée où se trouve aussi Prométhée qui faisait des hommes à partir des restes de boue transformés en pierres. Laurence Bertrand Dorléac cite Franz Kafka fasciné par la légende du Golem, créé à l'image de l'homme dont il avait par conséquent tous les travers, elle évoque Mary Shelley, celle qui écrivit Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818) et rappelle que la créature échappe à Frankenstein comme les oeuvres d'art échappent à l'artiste. Le Frankenstein de Mary Shelley est l'ancêtre malheureux de nos robots contemporains.
Le thème de l'exposition est donc la prise de possession d'un nouveau milieu technologique par des artistes « qui n'ont jamais laissé leurs outils dominer la partie. » Laurence Bertrand Dorléac ajoute « que l'on croie au bon ou au mauvais Golem, le croisement entre l'art, la science et la technologie ne fait aucun doute. Reste à reposer inlassablement la question de savoir qui sera le plus libre de sa décision, in fine. » Parmi les artistes contemporains utilisant des logiciels, ceux qui sont aujourd'hui, comme la plupart de leurs devanciers, des bricoleurs, sont encouragés par l'électronique. Cela donne les vertigineuses réalisations d'une Raquel Kogan (née en 1955 au Brésil) ou d'un Peter Kogler (né en 1959 à Innsbruck). On retrouve aussi avec plaisir les proliférations botaniques interactives de Miguel Chevalier, qui a conseillé les commissaires. Pour le moment, tout va bien, on a l'impression que les artistes regardent leurs machines pour voir comment les formes se créent. Mais prenons garde, nous sommes entraînés avec eux dans un monde inconnu. Et si les logiciels devenaient nos rivaux ? Laurence Bertrand Dorléac raconte une blague pour finir : « il ne resterait bientôt sur la terre que les hommes, les chiens et les robots. Pourquoi les chiens ? Pour interdire aux humains de s'approcher des robots. » Il paraît que dans les laboratoires et les ateliers les plus avancés, cela fait rire jaune...
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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