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[verso-hebdo]
29-06-2017
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Actualité David Hockney, monstre sacré |
Le Centre Pompidou abrite l'un des deux plus importants musées d'art contemporain au monde. Il lui faut donc organiser, en collaboration avec son alter ego, le MOMA à New York, de prestigieuses expositions collectives ou bien, s'il s'agit d'une rétrospective, rendre hommage à des artistes ayant le statut de vedette internationale. A votre avis, combien de français n'ayant pas encore eu leur tour au MNAM sont dans ce cas ? Hélas, aucun. Et quand l'institution parisienne invite un français (par exemple Soulages), elle reste seule. Pour travailler avec la Tate Britain et le MOMA, il lui faut inviter un monstre sacré de la taille de David Hockney, réputé le plus grand des pop anglais. Couverture médiatique garantie (c'est l'expo « à ne pas rater » selon le Figaro Madame) et foule extasiée assurée (à 14 euros l'entrée). Le maître, 80 ans le 8 juillet, occupe donc de vastes espaces au 6eme étage jusqu'au 23 octobre, avec des oeuvres de toutes ses périodes dans l'ordre chronologique, depuis son amusant autoportrait de 1954 jusqu'à ses récentes images numériques.
Il est intéressant que Hockney se soit placé sous le double parrainage de Picasso et Matisse : « Picasso travaillait tous les jours. Matisse travaillait tous les jours. C'est ce que font les artistes. » Ces références apparaissent visiblement (Homme inventé découvrant une nature morte, 1975, pour Picasso. Peinture du Canyon, 1978, pour Matisse). Cela se gâte un peu, le temps passant, quand l'ancien pop entreprend des oeuvres gigantesques tel que Bigger Trees near Warter, 2007, huile sur cinquante toiles, 4 mètres 59 x 12 mètres 25. David Hockney se souvient-il du conseil de Matisse aux jeunes artistes de son temps ? (« Si vous savez peindre, peignez. Si vous ne savez pas, faites grand. ») Il est vrai que le maître a dit : « Je peins ce qui me plaît, quand ça me plait, et où ça me plait. » Cela n'excluant pas, éventuellement, une oeuvre de combat destinée à résister à la dictature du formalisme greenbergien dans les années 60, qui imposait partout le géométrisme minimaliste : son Savings and Loan Building, 1967, présente bien un immeuble strictement orthogonal sur fond de bleu immaculé, mais l'artiste a plaqué par-dessus avec ironie trois petits palmiers détruisant les principes de Clement Greenberg et évoquant les lascives scènes de piscine californiennes avec éphèbes aux fesses dodues qui faisaient alors sa célébrité (le fameux Bain de soleil est de 1966).
Mais l'exposition présente un intérêt particulier avec notamment Annonciation 2 d'après Fra Angelico, que Hockney reprend comme si l'Angelico avait ignoré les leçons de Leon Battista Alberti sur la perspective. La vision est extraordinairement élargie, l'espace fuyant à gauche au-delà d'une palissade et à droite en direction d'une prairie au bord d'une plage noire, peut-être la nuit. David Hockney refuse la perspective, invention européenne artificielle à ses yeux, absente des arts chinois et japonais. D'où son admiration pour le cubisme (mal nommé selon lui), et lui qui emploie volontiers la photo constate que « le cubisme a été la première véritable attaque contre la photo et contre la perspective ». Ce mouvement est donc beaucoup plus important à ses yeux que l'impressionnisme qui n'avait pas du tout remis en cause la perspective. D'où des tableaux étonnants comme Pacific Coast Highway and Santa Monica (1990) dont il faut savoir que c'est l'itinéraire suivi par l'artiste entre Hollywood et Malibu, toujours au coucher du soleil et toujours en écoutant du Wagner. Difficile de faire plus lyrique, euphorique et complètement détaché de toute règle de perspective. Faut-il aller voir la rétrospective Hockney ? Certainement oui, mais pas pour voir le trop célèbre A Bigger Splash (1967) des millions de fois reproduit : il faut plutôt voir ce que Hockney a su faire de sa réflexion sur le cubisme, à savoir une remise en cause radicale de l'histoire de l'art en Occident depuis la Renaissance. Cela vaut le détour.
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