par Thierry Laurent
Avec le vingtième siècle, l’art franchit un nouveau
pas vers l’immatériel. Avec l’Abstraction, l’art
devient le reflet d’une « nécessité intérieure » (Kandinsky).
Yves Klein ne cherche pas tant à satisfaire le plaisir rétinien à travers
ses expositions du « Vide » ou ses monochromes bleus,
qu’à montrer l’espace.
Avec le ready-made, (et toute les formes d’art qui en découlent,
art minimal, conceptuel, etc) l’art s’achemine définitivement
vers l’effacement du « faire » de l’artiste
au profit de la seule « idée », exprimée à travers
un choix d’objets déjà existants. Le discours revêt
une importance capitale. Discours de l’artiste sur son œuvre, mais
aussi discours des regardeurs de l’œuvre d’art (spectateurs
ou critiques,) tous invités à donner leur libre interprétation
d’une œuvre désormais « ouverte ».
L’œuvre devient le phénomène déclencheur de
la parole, du débat. Elle a pour vocation de donner à réfléchir,
d’expliciter une idée du monde. Peu importe qu’elle soit
belle, pourvu qu’elle soit pertinente.
Le critique américain Arthur Danto, dans sa très célèbre
analyse de la boîte de Brillo de Warhol, affirme que l’œuvre
n’est pas tant la boîte de lessive, produite à des millions
d’exemplaires sur les rayons de supermarché, que la signification,
l’ interprétation, le discours généré par
la démarche de l’artiste . Ce qui fait œuvre, c’est
l’idée qu’elle induit, mais non sa matérialité,
encore moins son impact visuel sur le spectateur.
Arthur Danto évoque également un art qui s’épuise
vers sa forme postmoderne : un art qui renonce à faire acte de
nouveauté, pour s’accommoder d’une multiplicité de
références, empruntées autant à la société de
consommation (pub, BD, kitsch), qu’aux formes savantes de l’art
ancien. Il évoque une fin de l’histoire de l’art, l’avènement
d’un art post -historique, un art qui se rapproche de la pure réflexion
sur l’art.
En un mot, l’art n’existe que comme signe, symbole, expression
d’une pensée de l’artiste, librement débattue et
amplifiée par ceux qui regardent l’œuvre et qui contribuent
ainsi à la prolonger. L’art est devenu dans sa globalité un
langage de signes. Une pratique aussi visuelle que la peinture n’échappe
pas de nos jours à la nécessité de produire du « logos ».