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[verso-hebdo]
08-10-2020
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Giorgio De Chirico, « le peintre des gares » |
Le Musée de l'Orangerie consacre une fort intéressante exposition à De Chirico sous le titre La peinture métaphysique. Les chargés de la communication affirment que c'est Guillaume Apollinaire l'auteur de cette dénomination qui a fait fortune. Peut-être, mais on croyait que Chirico avait découvert le terme tout seul en méditant Nietzsche et, dès 1913, en lisant Des fins ultimes, le livre d'Otto Weininger, écrivain autrichien qui s'était suicidé à l'âge de 23 ans. C'est bien Apollinaire, en tout cas, qui inventa le mot surréalisme, sans doute à propos de La mélancolie du départ, que Chirico exposa au Salon des Indépendants en 1913 sur son conseil. Apollinaire intégra le jeune peintre ottoman de nationalité italienne et né en Grèce dans son cercle d'amis parmi lesquels se trouvait Picasso. Ce dernier a-t-il été « fortement marqué » par la peinture métaphysique comme l'indiquent les mêmes auteurs ? On en doute aussi : Picasso se moquait au contraire de Chirico qu'il avait ironiquement baptisé « le peintre des gares ». En revanche, un petit tableau de Picasso, Nu couché avec personnages (1908) prouve, selon le commissaire général Paolo Baldacci, l'influence de Picasso sur Chirico, attestée par le tableau de ce dernier L'Après-Midi d'Ariane (1913), « où la statue fait l'objet d'un traitement protocubiste identique ».
Restons donc dans les gares chères à De Chirico, fils d'un ingénieur des chemins de fer de réputation mondiale qui fit beaucoup voyager son fils, en Grèce particulièrement. L'exposition comporte plusieurs tableaux importants de 1913-1914 : La Tour rouge venue de la Peggy Guggenheim collection de Venise, par exemple, ou La Solitude des signes venue de l'Art Institute de Chicago. On peut regretter l'absence de La Gare Montparnasse de 1914, car elle se prête à une explication de l'inspiration et de la méthode de Chirico qui réalisa plusieurs tableaux de 1943 à1971, sous les titres Place d'Italie avec tour rouge (1943) ou Le grand jeu (place d'Italie), 1971, qui s'en inspiraient directement. Dans ses dernières années, Chirico a refait nombre de ses toiles de jeunesse, c'est vrai, et beaucoup ont pu être qualifiées de « croûtes » (il n'y en a pas dans l'exposition). C'est que les Place d'Italie revenaient sur l'essentiel de la peinture métaphysique qui était exprimée dans La Gare Montparnasse.
La Gare Montparnasse de 1914 peut être qualifiée de réflexion métaphysique induite par des événements plastiques ou visuels. On y trouve une opposition temporelle dans la représentation simultanée d'éléments d'architecture classique - la grande arcade à gauche - et moderniste : les piliers en béton armé qui soutiennent la terrasse. Une autre rupture de l'unité de temps vient de ce que la fumée du train est figée dans le ciel alors que les banderoles au sommet du bâtiment de la tour claquent au vent. Il y a aussi rupture de l'unité de l'espace : le tableau semble construit sur deux lignes d'horizon. L'horizon supérieur, qui relie le train au bâtiment à gauche en passant par la base de la tour à l'horloge. L'horizon inférieur qui court à la base des piliers et qui délimite l'espace du tableau du bas dont le sujet est le régime de bananes.
C'est comme si deux regards pouvaient embrasser simultanément le tableau. Le lien entre ces deux horizons - deux espaces, deux mondes : le réel et le métaphysique - est artificiellement créé par l'invraisemblable perspective de la rampe jaune à droite, qui relie les bananes (la nature) au train à vapeur indéfiniment éloigné (la civilisation). Les hommes apparaissent minuscules, entre les fruits et le symbole industriel. Chirico n'a pas observé des choses extérieures à lui : il peignait son monde intérieur venu de l'enfance. C'est le regard « du dedans » qu'il recommandait à Apollinaire en le représentant à deux reprises avec des lunettes noires opaques. La version de 1914, Portrait de Guillaume Apollinaire, une célèbre huile et fusain sur toile conservée au MNAM, se trouve dans l'exposition.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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