Marko Velk est né en Croatie en 1969 dans une famille d'artistes. Diplômé à Paris de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, il a vécu et travaillé à New York de 2011 à 2020, montrant son travail au Cuetoproject et à la galerie Slam. Aujourd'hui de retour en France, il a installé son atelier à Arcueil, et c'est logiquement là, dans les vastes espaces de la galerie municipale Julio Gonzalez qu'il expose son oeuvre jusqu'au 23 mars. Une oeuvre qui a stupéfié les plus grandes plumes vouées à l'art aujourd'hui (Jean Clair, Olivier Kaeppelin...). Première caractéristique : Marko Velk est exclusivement dessinateur, et travaille principalement au fusain. Jamais de couleur chez lui, qui explore les ressources infinies du noir et blanc. Il s'inscrit de la sorte dans la longue histoire des artistes qui, depuis la Renaissance, d'un seul trait à la pierre noire ou au fusain, séparent les ténèbres de la lumière à partir du néant.
L'exposition a pour titre « Shifting », c'est à dire déplacement, ou encore mutation, et Marko Velk a choisi, comme oeuvre emblématique de l'ensemble, « Solid air » un fusain sur papier de 155 par 125 cm (2022). Une figure parfaitement onirique, dont le spectateur retient l'unique grand oeil qui dirige son regard vers sa gauche. Il semble que l'artiste veuille rejoindre les grands maîtres du dessin sobre, tel Botticelli chez qui la ligne conduit à la lumière. Depuis toujours, la force du dessinateur réside dans cette intrusion de la lumière dans le sombre, sans que l'on sache si cette lumière vient de l'intérieur ou de l'extérieur de la composition. Dans ce grand dessin tout particulièrement, Marko Velk a contraint des formes à muter les unes dans les autres. Il met en quelque sorte les formes en page, aspect important bien qu'insaisissable du dessin, un élément de la relation entre ce que l'on voit et ce qu'on ne voit pas, un moyen subtil de définir et animer l'oeuvre.
Les commentateurs de Marko Velk établissent volontiers des liens entre lui et le jeune Gustave Courbet, celui de l'Autoportrait au chevalet du Louvre (1847). C'est le moment où Courbet adopte une technique de dessin proche de Daumier et Millet : franchise des notations, volonté d'exactitude dans la ressemblance avec le modèle,, force de l'expression, éclairage contrasté. L'obscurité donnée par le fusain l'emporte largement sur les zones éclairées, de telle sorte que le visage et la chemise surgissent avec éclat, imposant l'effet de présence de la figure qui, vue légèrement en contre-plongée, domine fièrement le spectateur. Courbet est conscient de sa valeur : son trait est assuré. Ce qui surgit à partir du noir dans chacune des images oniriques de Marko Velk, ne serait-ce pas d'abord l'assurance de l'artiste ? Un artiste exceptionnel, le seul à ne pratiquer que le dessin de cette manière, à la fois complètement neuve et totalement inscrite dans l'histoire de son art.
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