logo visuelimage.com
 
 
 
Les [Verso-hebdo] antérieurs
  1 2 3 Suite

20-02-2025

13-02-2025

06-02-2025

30-01-2025

23-01-2025

16-01-2025

19-12-2024

12-12-2024

05-12-2024

28-11-2024

 
[verso-hebdo]
30-01-2025
La chronique
de Pierre Corcos
Le peintre et l'animal
Pour un athée, l'Autre de l'humain n'est pas le divin, ce ne saurait pas plus être le monde inanimé. Alors son altérité, opaque et mystérieuse, reste le monde animal... Mais selon les cultures, les hommes entretiennent avec lui une relation biaisée : anthropomorphique, divinisante ou de total mépris. Les innombrables travaux d'éthologie joints aux nouveaux regards philosophiques sur le monde animal (Jacques Derrida, Élisabeth de Fontenay, Corine Pelluchon) nous incitent à multiplier, varier ces approches des animaux, lesquelles interrogent sourdement notre identité... Les artistes, eux, n'ont pas attendu ces représentations pour se saisir pleinement du monde animal.
Rappelons déjà que l'animal est le sujet principal de l'art préhistorique... Mais, si bien entendu la figure humaine a, depuis les Grecs jusqu'à nos jours, pris largement le dessus, un certain nombre d'artistes, qualifiés d'« animaliers », se sont passionnés pour les formes, les moeurs, les couleurs, les mouvements, la sauvage beauté des animaux. On pense par exemple à des Potter, Barye, Ponpon, Bonheur, etc. considérant l'animal comme un sujet artistique à part entière, n'ayant pas besoin d'être représenté associé à l'homme ou à ses activités (la chasse par exemple). Par ailleurs, sans être des oeuvres d'artistes animaliers, des études sur nature comme le fameux lièvre de Dürer ou les fauves de Delacroix nous fascinent, tout comme leur sujet. Mais est-ce le cas des peintures animalières du suédois Bruno Liljefors (1860-1939), auquel le Petit Palais rend hommage par une centaine d'oeuvres, dans cette exposition La Suède sauvage, et ce jusqu'au 16 février ?

Après des voyages en Italie, en Allemagne, à Paris, un séjour à Grez-sur-Loing où il retrouva une colonie d'artistes suédois, Liljefors retourna définitivement en Suède dès 1884. Et il se consacra entièrement à la représentation picturale des animaux dans la nature suédoise. Très tôt il aimait dessiner sur le vif (caricatures et croquis) et le faisait très bien. Il s'était ensuite donné énormément de mal - escaladant des reliefs, grimpant sur les arbres, se camouflant et construisant des affûts, utilisant la photographie - pour observer, étudier les animaux. Et pourtant, si ses peintures rendent bien les froides lumières, les ambiances paysagères romantiques de la Scandinavie, leurs parties focalisées sur le monde animal ne nous émeuvent pas autant que nous l'aurions espéré, malgré tout ce zèle, tous ces procédés... Bien sûr, un large public aimant les animaux ou écologiste et à juste titre soucieux de la biodiversité ou encore admirateur des contrées scandinaves sera d'emblée ravi par ces lièvres dans la neige, ces eiders sur les eaux, ces renards dans les bois, ces balbuzards sur les arbres, ces tétras dans les forêts, etc. Une séduisante imagerie animalière sauvage qui plait d'autant plus aujourd'hui que l'humain urbanisé suffoque dans un environnement totalement artificiel, et de surcroît dégradé... Mais comment se fait-il que ces animaux, peints soigneusement par Liljefors pourtant, ne transcendent pas la belle illustration ?
Pour tenter d'y répondre, regardons les tableaux : ce que l'on peut recevoir comme une « formule » s'y répète... Les animaux, au centre, sont traités nettement et dans le détail ; et par exemple la queue peinte d'un oiseau prend minutieusement en compte toutes ses moindres nuances de couleur. Au contraire, l'environnement, l'entour restent floutés d'une manière impressionniste conventionnelle. Ainsi coexistent du naturalisme (influence d'abord de Deiker puis Bastien-Lepage) et de l'impressionnisme, sans doute trop vite assimilés. En effet, contrairement à Larsson et Zorn, Liljefors est peu resté en France. Mais son attelage stylistique a plu en Suède... Puis Liljefors, par ailleurs devenu spécialiste du comportement animal, décora le musée de biologie de Stockholm avec de grandes toiles pour dioramas ou mit en scène des animaux naturalisés. On voit en outre dans l'exposition de grands cadres dorés contenant plusieurs toiles de différentes tailles, cloisonnées. Une technique japonisante (autre influence), très séduisante, qui suggère une narration et capte l'attention.

Mais ces techniques, procédés et formules ne remplacent pas l'exaltation de tel ou tel attribut qui, dans l'Animal, nous dérange, fascine ou bouleverse... La vigilance permanente, comme le dit Deleuze dans Abécédaire ? Le mystère impénétrable ? Une vitalité absolue ? La grâce incarnée ?... Bien sûr le monde animal, par son éblouissante variété, mérite le soin de ces peintres/naturalistes comme Audubon (1785-1851) ou Liljefors. Mais il appelle plus encore ! Art scythe, encres japonaises, peintures de Géricault, Rosa Bonheur : quelque chose d'essentiel dans l'animal a été alors élu, saisi et magnifié par le créateur. Ce choix engagé, ce regard à la fois particulier et universalisant, on ne le ressent pas chez Liljefors, prisonnier également des potentialités nouvelles d'« objectivité » de la photographie dont il est féru.
Et, comme si les peintures animalières de Liljefors devaient être complétées, étayées par un supplément de sciences naturelles, l'exposition organisée par Sandra Buratti-Hasan (commissaire d'exposition venue du musée des Beaux-Arts de Bordeaux et experte en peinture animalière) comporte un certain nombre de... commentaires ornithologiques, d'animaux naturalisés en vitrine. Et même une immersion sonore vers la fin de l'exposition !
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
30-01-2025
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

visuelimage.com c'est aussi

Afin de pouvoir annoncer vos expositions en cours et à venir dans notre agenda culturel, envoyez nous, votre programme, et tout autre document contenant des informations sur votre actualité à : info@visuelimage.com
ou par la poste :
visuelimage.com 18, quai du Louvre 75001 Paris France

À bientôt.
La rédaction

Si vous désirez vous désinscrire de cette liste de diffusion, renvoyez simplement ce mail en précisant dans l'objet "désinscription".

     


Christophe Cartier au Musée Paul Delouvrier
du 6 au 28 Octobre 2012
Peintures 2007 - 2012
Auteurs: Estelle Pagès et Jean-Luc Chalumeau


Christophe Cartier / Gisèle Didi
D'une main peindre...
Préface de Jean-Pierre Maurel


Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
édité aux éditions du manuscrit.com