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[verso-hebdo]
13-02-2025
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane solitaire

Je m'empare du monde ou qu'il soit, Letizia Battagia, Sabrina Pisu, traduit de l'italien par Eugenia Fano & Géraldine Bretault, Actes Sud, 400 p., 23

De toute évidence, le sujet de cet ouvrage est Letizia Battaglia (1935-2022), photographe reconnue, qui s'est intéressée tout spécialement à la criminalité mafieuse à la fin du siècle dernier. Cependant, cette femme exceptionnelle fait s'interroger le lecteur sur différents aspects de son existence. Elle s'est mariée et a eu deux petites filles qu'elle a tenu à élever bien qu'elle était attirée par un grand nombre de choses bien éloignée de son état de mère de famille. Au fond, rien ne la prédestinait à avoir une existence échappant aux poncifs patriarcaux. Elle déclare dans ces pages qu'elle est née à trente-neuf ans. Elle a été attirée par la photographie. Elle a longtemps collaboré avec le journal sicilien L'Ora. Dans sa ville natale, elle a créé un petit centre culturel qui est devenu à la fois un musée de la photographie et le lieu d'archives de la criminalité organisée de cette ville qui a atteint alors son point culminant. Il y avait quelque chose de particulièrement courageux dans sa démarche, mue par une curiosité insatiable qui allait bien au-delà d'une sorte de fascination pour un monde qui possède une longue tradition criminelle. Dans l'actualité la plus crue, et par conséquent dans les films, les romans, les documents de presse, Palerme est devenue la cité de la Mafia et rien d'autre. Tout son passé glorieux, des Grecs anciens aux Romans, des Arabes aux Normands, puis à l'Espagne des Bourbons et enfin à l'intégration dans l'Italie moderne est comme gommé au profit d'une réalité sordide où le meurtre est la valeur suprême. Et ce n'est pas près de terminer.

L'histoire de Letizia Battaglia nous incite à voir les choses autrement : le choix de sa carrière est là pour mettre à bas les lieux communs de la société sicilienne qui repose sur des fondements patriarcaux ancestraux et qui sont ceux qui ont permis à Cosa Nostra de s'imposer comme modèle exclusif d'une société qui ne saurait avoir d'autre origine (même si des chefs de clans ont pu être des femmes, mais jamais au sommet de la coupole). Ce qu'a pu réaliser Letizia Battaglia est d'avoir su imposer d'autres règles pour l'existence d'une femme - d'une femme passionnée et qui a voulu découvrir tous les aspects d'une cité si étranges ou les plus grandes beautés du passé voisinent avec les horreurs du présent. Sabrina Pisu, née à Rome et vivant actuellement à Genève, elle-même grand reporter, a tenu tirer la somme de l'expérience peu commune de cette femme qui s'est emparé d'un appareil photographique pour relater les évènements sans jamais chercher à les rendre plus atroces qu'ils ne sont, mais sans non plus y apporter une touche légendaire ou hautement mystique. Elle veut en tirer une philosophie qui pourrait avoir des affinités avec la pensée de Maurice Blanchot. Elle ne s'évertue pas à mettre en exergue les traits de caractère de cette figure extraordinaire, mais plutôt un mode de pensée profond et généreux alors qu'elle a eu le plus souvent affaire avec la mort et l'horreur. Cette approche permanente de la cruauté et du bestial ne l'a jamais empêchée de jouir des joies de la vie et des bontés insignes de sainte Rosalie, qui a sauvé Palerme de la peste en décidant de ressusciter pour sauver ses habitants de la contagion.

Je ne peux que recommander aux lecteurs de se plonger dans ce libre car il fera la connaissance de Letizia Battaglia, mais aussi parce qu'il pourra comprendre qu'elle n'a jamais vécu la photographie comme un art, mais comme un pur moyen de toucher du doigt la vérité sans la moindre pruderie et surtout sans rien enlever à la froide brutalité des faits. Sa force de caractère lui a permis d'engranger un trésor des milliers de clichés qui conserveront à jamais l'aspect obscur ; abject, mortifère de ces lieux solaires. Les vérités dures, implacables et choquantes préservées par cette femme courageuse demeureront enfouies dans nos coeurs, comme autant de blessures atroces, pour nos souvenir que Palerme possède trois cimetières gigantesques dont l'étendue est plus ample que ses confins.
Gérard-Georges Lemaire
13-02-2025
 

Verso n°136

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