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[verso-hebdo]
17-04-2025
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Correspondance avec Mathilde, Gustave Courbet, édition de Ludovic Carrez, Pierre-Emmanuel Guilleray, Bérénice Harwig & Laurence Madeline, préface de Petra Chu, « Arts et Artistes », Gallimard, Ville de Besançon, 368 p., 22 euro.

Il n'est pas rare, quand disparaît un grand personnage, de l'art, de la littérature ou de la musique que la famille détruise sa correspondance privée. Ce fut le cas, par exemple, pour Dante Gabriel Rossetti. Et il ne fait pas figure d'exception. Dans le cas de Gustave Courbet (1815-1877), quelqu'un est venu déposer un grand nombre de lettres à la bibliothèque de Besançon il y a un demi-siècle. Ces documents ont été rangés soigneusement et jamais révélés. Il y a deux ans, des chercheurs avisés (ceux qui ont réalisé cette compilation) se sont attachés à les classer et ensuite de les révéler en organisant une exposition (jusqu'au 21 septembre). Il s'agit ici d'un échange amoureux entre le grand peintre champion du réalisme et une mystérieuse Mathilde à laquelle il semblait profondément attaché au crépuscule de sa vie. Le plus grand problème qu'ont rencontré les auteurs de cette édition est de savoir qui était cette dame.
Elle se faisait appeler Mathilde Carly de Svazzema. Elle se présentait comme femme de lettres et conférencière. Cet échange épistolaire a commencé en 1872 et s'est terminé avec la disparition de l'artiste cinq ans plus tard. Au total, Courbet n'a écrit que vingt-et-une de ces missives. Elle en a envoyé pas moins de quatre-vingt-onze. Les deux protagonistes ne sont jamais rencontrés. Courbet a longtemps caressé l'idée de la faire venir à Besançon, puis à Ornans. Ce projet ne s'est jamais réalisé. Mathilde lui fait état de ses ennuis financiers et lui dit qu'elle pourrait très bien vendre ses tableaux à Paris. Mais si les ventes se font, elle ne lui pas envoyé l'argent. Le peintre lui parle d'un projet de publication. Elle se rend à Besançon et descend à l'Hôtel de France pour lui donner la somme recueillie avec les ventes de ses toiles pour parvenir à cette édition. Les choses se gâtent, et Courbet la dénonce : elle fait un mois de prison. Courbet a voulu récupérer les lettres qu'il lui a écrites et, une fois revenues en sa possession, il les a conservées. Après sa libération, Mathilde a continué à écrire à Courbet, qui n'a plus jamais répondu. Au début de leur relation, Courbet, lui a demandé d'envoyé un portrait, ce qu'elle n'a jamais fait (mais elle a fini par lui adresser une photographie). Mais elle s'est décrite plusieurs fois, sans vraiment se mettre en valeur. On pourrait même dire qu'elle a fait tout le contraire. Elle serait née en 1839 à Orléans dans une bonne famille. Elle a été élevée dans un couvent, puis à la Légion d'Honneur à Ecouen. Sa famille s'installe à Paris en 1849. Elle a épousé un certain William Goringe, un Anglais. Elle aurait eu des relations avec Alexandre Dumas fils et avec Léon Gambetta. Plus tard, elle a eu des ennuis avec la justice pour prostitution et pour des ventes illicites d'oeuvres d'art. On ignore quelle a été sa fin. La longue préface nous offre de nombreuses informations sur cette relation, entre dans le plus menu détail, mais ne peut hélas tout nous révéler.
Ces lettres sont remarquables : on peut remarquer que cette jeune femme savait manier la plus et n'était pas ignorante. Elle a été assez subtile pour ne pas engendrer une trop grande intimité au commencement de leur histoire. Elle parle d'amour, mais en général. Mais c'est elle qui finit par briser a glace de leur rapport fictif. En décembre 1872, elle déclare l'aimer sans le connaître. Elle ne tarde pas à se donner à lui avec volupté et sans restriction dès la toute fin de cette année 1872. « Toute à vous », écrit-elle. Lui la surnomme « ma petite Vénus ». Très rapidement, leur relation se teinte d'une sensualité torride. C'est singulier, car tout se joue dans la curiosité réciproque. Leurs gestes amoureux expriment un désir de découverte sauvage, mais ne dépasse jamais le cadre de la feuille de papier. Ce n'est pas tant les secrets libidineux du grand artiste qui sont singuliers et donc intéressants, mais plutôt cette distance physique qui se prolonge et qui n'aura pas de fin. Il est vrai qu'à cette époque, il est bien malade et souffre aussi de ses problème avec la justice, étant condamné à rembourser la colonne en bronze de la place Vendôme qu'il a fait abattre quand il avait la responsabilité de la culture au sein de la Commune. Mais tout de même, il a tenu à maintenir cette distance alors que leurs paroles avaient atteint un point d'excès sensuel inimaginable.
C'est là un document important, qui ne nous révèle pas Courbet dans ce qu'il a de plus caché, mais qui peut expliquer la démarche de l'homme qui a peint Les Deux amies et L'Origine du monde.




Le Goût de la mémoire, textes choisis et présentés par Gérard de Cortanze, Mercure de France, 128 p., 9,50 euro.

La belle et riche anthologie poétique qui figure dans cet ouvrage, Arthur Rimbaud, Louis Aragon, Sully Prudhomme, René Char, Garcia Lorca, Jean Tardieu et d'autres encore, permet aussitôt de comprendre que le terme « mémoire » ne recouvre pas une seule signification. C'est le nombre de ces sens qui donne tout son sel à cette collection de texte et qui nous incite donc à méditer sur ses différentes acceptions. Il y a la mémoire que nous conservons de notre passé et aussi la mémoire collective (celle des guerres combattues ou des événements extraordinaires qui ont marqué notre histoire). Et il n'y a que le passé qui soit en jeu, mais tout ce que nous sommes en mesure de garder le souvenir, de la plus minime anecdote aux domaines de la connaissance. Platon fait parler Socrate pour avancer une définition. Et Nietzsche joue du paradoxe de l'oubli. Quant à Henri Bergson, il s'est appliqué à examiner les deux principales modalités de la mémoire. Quant à Saint Augustin, il la considère comme un immense réservoir où l'on puise d'abord par goût (ce qui est surprenant quand on songe à sa réflexion théologique) plus que par la quête du savoir. D'ailleurs, la dernière partie est consacrée aux savoirs de la mémoire, avec des extraits d'écrits de Tacite, d'Honoré de Balzac et de George Orwell. Avec ce petit volume à portée de la main, le lecteur peut se faire une idée de ce que la mémoire peut représenter pour chacun d'entre nous, quelque soit sa culture. Si l'auteur s'est attaché, à juste titre, à faire le lien entre le roman et la mémoire, avec pour modèles Marcel Proust, Patrick Modiano, Jorge Luis Borges, Jean-Paul Sartre, par plusieurs autres auteurs, il est dommage qu'il n'ait pas poursuivi cet exercice avec l'art, où la mémoire a joué un si grand rôle, de l'antiquité à l'art moderne. Mais il ne faudrait pas trop se plaindre car ce voyage est déjà considérable et rappelle que notre existence est toujours, sur un plan ou sur un autre, liée à un fait mémoriel.
Et puis l'esprit de cette collection ne consiste pas à épuiser tous les possibles, mais seulement de savourer divers aspects d'un sujet, d'un lieu ou d'un mot. Et ici, le mot se déroule pour engendrer une spirale de références qui ne peuvent qu'en appeler de suivantes. Ce que nous découvrons au fil des pages, c'est notre rapport complexe et déroutant avec ce qui dépend du temps et de sa représentation, avec la bibliothèque infinie qui ne cesse de faire naître des réminiscences et des nouements au sein de cet espace qui nous a produit et qui nous apprend à appréhender le présent comme le fruit du passé. Ainsi la mémoire est notre guide, parfois merveilleux et prolixe et parfois fait pour nous confondre et nous placer devant un jeu infernal.
Gérard-Georges Lemaire
17-04-2025
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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