Léonard de Vinci est mort le 2 mai 1519 au Clos Lucé à Amboise dans les bras de François 1er. Il y a et il y aura des festivités commémoratives et les éditeurs multiplient les publications à cette occasion, ce qui est bien compréhensible. Retenons en deux parmi ces dernières, également remarquables dans des genres très différents. Tout d'abord, les éditions du Chêne ont demandé à une jeune historienne de l'art, diplômée de l'école du Louvre, Hayley Edwards-Dujardin, de renouveler l'approche du grand peintre à l'intention des néophytes, mais aussi - et c'est plus difficile - des initiés dans le cadre d'une nouvelle collection intitulée de manière plaisante « ça c'est de l'art ». Eh bien, pour une fois, le résultat est conforme à ce qu'en dit le communiqué de presse : « grâce à son regard moderne et transversal, elle nous livre une lecture novatrice de l'art : légère, riche en anecdotes, distillant une érudition mesurée. » Aidée par une conception graphique particulièrement réussie (signée Sophie Della Corte) Hayley Edwards-Dujardin va droit à l'essentiel en peu de mots et sans jamais employer le jargon des spécialistes.
Prenons un exemple, celui de La Dame à l'hermine du musée Czartoryski de Cracovie (1488-1490). C'est un des premiers chefs d'oeuvre de Léonard, peint pour Ludovic Sforza dit Le More, qui représente sa maîtresse, Cecilia Gallerani. Le tableau a été choisi pour illustrer la couverture et c'est très bien car cela nous repose des fatigantes à force d'être répétitives images de La Joconde et son trop fameux sourire (on jubile quand l'auteur ose dire de ce « doux sourire » qu'il est charmant, certes, mais n'a « rien d'extraordinaire » !). Bref, Hayley Edwards-Dujardin a le don de faire comprendre en quoi la « torsion dynamique » du corps de la jeune femme est une posture rare à la Renaissance, que Léonard invente pour suggérer que le modèle « pose un regard souriant sur l'homme qu'elle aime assistant à la séance de pose ». Un petit encadré en marge explique utilement la symbolique animale dans l'art de la Renaissance à propos de la petite hermine et, vraiment, l'essentiel est dit grâce à une « érudition mesurée ».
Oui, mais dira-t-on, on ne sait pas comment Léonard a rencontré Cecilia (c'était une grande amie) et comment il a reçu la commande de Ludovic Sforza. Pourquoi le Florentin se trouvait-il à Milan et non pas chez lui, à Florence ? A cause d'une mésentente avec Laurent de Médicis ? A cause de la peste qui approchait et qu'il fallait fuir ? Tout cela, c'est Sophie Chauveau qui nous le raconte dans son classique L'obsession Léonard que rééditent opportunément les éditions Télémaque, avec une postface illustrée inédite. Sophie Chauveau n'a pas son pareil pour tisser, entre les faits et évènements certains et documentés, des histoires de son cru, mais parfaitement vraisemblables. Son double talent d'historienne et de romancière se déploie à un rythme étourdissant dans cet épais volume. Elle mérite sans discussion le jugement naguère formulé par l'académicien Angelo Rinaldi à son sujet : « Dès qu'une romancière a le souffle et l'imagination d'une Sophie Chauveau, tout devient exact. » Qui s'intéresse à Léonard de Vinci doit lire ces deux livres, remarquablement complémentaires à propos de chacun des épisodes de la vie du maître absolu de la peinture.
Léonard de Vinci, par Hayley Edwards-Dujardin, éditions du Chêne, 108 pages, 14,90 euro.
L'obsession Vinci, par Sophie Chauveau, éditions Télémaque, 462 pages, 19,90 euros.
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