Jean-Michel Alberola, tableaux, Catherine Grenier & Claire Stoulig, Flammarion, 240 p., 50 euro.
Lors de sa première exposition personnelle à la galerie Daniel Templon en 1982, beaucoup d'entre nous ont cru voir l'apparition de l'ange de la peinture nouvelle en France. Trois ans plus tard, il était déjà célébré au Centre Georges Pompidou. Par la suite, il a voulu introduire une dose d'éléments conceptuels, qui passaient par l'introduction d'éléments divers et surtout de l'écriture. Ce qu'il a pu montrer à la fondation Cartier dix ans plus tard semblait vouloir montrer qu'il avait choisi une autre direction. Mais, sans abandonner ces ingrédients qui lui attribuaient un statut d'artiste bien ancré dans son époque, il a fait en partie marche arrière et s'est contenté d'en revenir à ses premières tentatives pour les développer dans un sens nouveau et moins radical. Cette valse hésitation lui a fait perdre cette place que personne, dans sa génération, n'aurait pu lui ravir. Cette grande monographie permet de faire le point sur la démarche d'Alberola et de comprendre quelles ont été ses orientations jusqu'à ce jour. Bien sûr, quand on songe à l'effet qu'a pu produire la série de Suzanne et les vieillards à ses débuts, tout ce qui a suivi a perdu en fraîcheur, en nouveauté et en capacité de prendre le spectateur à contrepied. Ce qui lui a nui le plus, c'est l'usage intempestif et des mots dans ses compositions, quitte à en faire le « sujet » de son oeuvre ; prenons par exemple Saloperie de peinture (1994), nous voilà placés devant quelque chose qui se situerait entre Ben et Hélène Delprat. La dérision pure et l'humour cinglant se coalisent, mais sans produire l'effet escompté. Il n'y a pas la main de Ben, et il n'y a pas l'humour dévastateur de Delprat. C'est un peu didactique et trop dans l'air du temps. Le Oups de Celui qui est nocturne (2004). Et puis sa peinture ne parvient plus à sortir d'une vision autodestructrice comme on le voit, par exemple, dans Grand siècle (1999-2000) ou Nicolo S. (2000-2001). On a le sentiment profond en voyant toutes ces toiles de dialoguer avec quelqu'un qui se raccroche à tout prix à une idée (celle justement de la peinture) pour la déconstruire et la rendre indigeste. Tous les éléments des avant-gardes historiques sont réquisitionnés et il a inventé son néo dadaïsme. Son grand talent l'a sauvé du naufrage, mais il n'a jamais pu retrouver la dynamique de son talent qui semblait inné. L'autodérision poussée à ce stade l'a mené à créer Celui qui stratège (2001-2002) qui laisse tout un chacun (et moi le premier) assez pensif : pourquoi continuer à jouer la carte désormais surannée du laid, du grotesque et même du dégradant ? L'art pictural ne peut certes être ce qu'il a pu être autrefois. Mais il n'a pas suivi le chemin de Damas - seule la chute l'a fasciné.
Made in Algeria, Généalogie d'un territoire, MUCEM / Hazan, 242 p., 29 euro.
Laissons le titre de côté : c'est devenu maintenant une habitude de proposer une exposition avec un intitulé qui n'a d'autre but que de séduire le public par son caractère intriguant ou pour son caractère frappant. Reste le contenu, et celui-ci valait le déplacement. Bien sûr, la cartographie peut semble une manière un peu austère et académique d'envisager une région du monde, ici l'Afrique du Nord. En réalité, ce n'est pas tout à fait le cas. La beauté des cartes anciennes y est pour quelque chose. Mais en les voyant s'aligner au fil du temps, on se rend compte qu'elles nous racontent une histoire qui n'est pas seulement celle d'une portion physique de notre Terre. De la découverte scientifique à l'exploration de régions mal connues qui pourraient se transformer en proies pour de futures conquêtes, on comprendre que ces études cartographiques relèvent autant de la science que d el a politique. Dans le cas de l'Algérie, c'est aussi un excellent moyen de prendre la mesure ce qu'a pu être ce pays dans le passé. En fait, ce vaste territoire commence à vraiment exister quand l'Espagne musulmane commence à décliner, un royaume hafside se constitue avec - Tunis pour capitale et se subdivise du Maroc à la Lybie. Ces guerres de caractère féodal sont assez complexes et ne cessent de provoquer des transformations géographiques des royaumes contestés (je renvoie le lecteur à l'excellent article de Fouad Soufi). Mais un sultanat va exister plus longtemps que les autres, celui des Banu Zayyan. Alger va devenir un port d'une certaine importance. D'un autre côté, la cartographie s'est développée pendant le Moyen Age et nous apporte des éléments intéressants du côté de l'Europe. Bien entendu la conquête de l'Algérie en 1830 (entité qui se trouvait alors sous la domination ottomane) a permis une connaissance de l'intérieur des terres, ce qui était indispensable à plus d'un titre, en particulier sur le plan militaire et ensuite pour l'aménagement du territoire. C'est passionnant et on a cru bon d'adjoindre des tableaux et des images d'Epinal et autres représentations de la conquête française. En somme, si l'exposition est savante, elle est aussi captivante pour qui souhaite vraiment comprendre l'histoire de ce pays. Si l'exposition avait une grande valeur, le catalogue demeure un document inestimable et qui n'a rien d'ennuyeux, bien au contraire. Ce volume fera date.
Carambolages, sous la direction de Jean-Hubert Martin, Editions de la réunion des musées nationaux, 320 p., 49 euro.
De toute évidence, et je pense dire sans la moindre originalité ce que tout le monde a observé : Jean-Hubert Martin a tenté de renouveler le coup d'éclat qui l'a rendu célèbre avec l'exposition des Magiciens de la terre. Il faut dire qu'à l'époque (1989), installée à la fois au centre Pompidou et dans la grande Halle de la Villette, cette énorme exposition avait produit son effet : on n'avait jamais rien vu de tel à cette échelle. Cela consistait surtout à mettre en abyme des oeuvres occidentales et des oeuvres des autres continents, des autres civilisations, anciennes ou modernes. Bien sûr, c'était une opération discutable, et elle fut discutée. Mais c'était le but de cette confrontation planétaire. Depuis, les choses ont changé car la question s'est banalisée. Puis la fondation du musée sans nom du Quai Branly a posé de nouvelles questions. Enfin, l'art contemporain n'a cesse de se « métisser », sans oublier l'apparition d'un art contemporain en Asie, en Afrique, partout en somme, qui se rapprochait de nos critères, mais qui avait aussi des ses siens propres. Cette fois, au Grand Palais, le commissaire a voulu mettre côte à côte des objets rituels et des tableaux, des sculptures, des assemblages des créateurs occidentaux. L'idée n'est pas mauvaise et peut être frappante. Mais on a l'impression qu'il a manqué son objectif principal : faire vraiment dialoguer toutes ces créations hétérogènes. Bien sûr, on ne peut qu'être séduit par ce grand débat, mais il manque de force et de nerf. Et faut-il vraiment continuer à comparer un masque rituel avec une tête sculptée européenne ? Il est vrai que l'art moderne a déjà puisé beaucoup dans l'art nègre, comme on disait à l'époque : les expressionnistes et les cubistes l'ont fait. Mais d'autres ont préféré utiliser l'art égyptien antique (par exemple, Gauduer-Brezska) ou les formes vernaculaires (Kandinsky). Bref, le champ des emprunts n'a cessé de s'élargir. On a ensuite utilisé l'art des enfants, l'art des fous, l'art des rues, tout comme on a utilisé les « peintures » aborigènes d'Australie. Cela était né du fait que la Terre ne cessait de rétrécir ! Tout devenait plus proche et les modes successives nous ont familiarisé avec ces productions de terres autrefois très lointaines. Notre histoire de l'art ne repose plus sur les turqueries et les chinoiseries, mais sur l'amour d'autres cultures qu'on a voulu faire partie prenante de nos créations. Cela ressort de la logique de nos connaissances et de nos aspirations esthétiques. En 1989, J. H. Martin faisait la somme d'une succession de tendances qui s'étaient accumulées et multipliées. Aujourd'hui, il se trouve devant un état de fait bien assimilé. Si l'exposition m'a un peu déçu, je l'avoue, le catalogue, malgré sa bizarrerie (c'est un emboîtage compliqué) m'a plus intéressé : d'abord le célèbre commissaire s'explique et cela est vraiment passionnant. Ensuite, le caractère un peu gênant de l'alignement des choses s'estompe pour nous trouver cette fois devant une collection, qui serait celle et de la pensée actuelle et celle de J.-H. Martin, qui l'exploite, la commente et la réinterprète. Je crois qu'il est allé un peu loin dans sa volonté de gommer le temps et de recréer l'espace de l'histoire de l'art. Je prends un petit extrait d'une liste d'auteurs et d'ouvrages : « Hergé, Bertrand Lavier, Joachim-Raphaël Boronali (l'âne Lolo), Clovis Trouille...). Il y a de tout, de la targe hongroise au masque cimier Ejagham. Tout finit par s'annuler ou appartenir à une même catégorie -, la catégorie de l'art actuel, qui ne connaît plus vraiment de frontières et de critères. Cela peut rendre sombre. Mais, quoi qu'il en soit, ce genre d'exposition est des plus utiles pour faire le point. En somme, à ne pas rater pour comprendre ce que nous vivons !
Albert Maignan, peintre et décorateur du Paris fin de siècle, Norma Editions : Fondation Taylor, 176 p., 25 euro.
Vous ne savez pas qui est Albert Maignan (1845-1905)? Je ne le savais pas non plus avant de visiter cette exposition, bien que j'ai croisé des dizaines et même des centaines de peintres académiques français du XIXe siècle ! Je dois dire que je n'aie pas été franchement fasciné par ce peintre picard qui faisait le grand écart entre le symbolisme et le naturalisme ! Ce n'est pas un grand académicien -, je dirais même que c'est un second couteau. Mais il a eu du succès et a réalisé de grands chantiers, comme les décorations du nouvel Hôtel de ville de Paris après la destruction du bâtiment sous la Commune. Bon dessinateur, sans imagination ni style particulier, il ne se révèle pas davantage un grand peintre ; en voyant la restauration en cours d'un de ses plus grands morceaux, Les Voix du tocsin (Salon de 1888). Il a traité une varié infinie de sujets, de la Fée verte (comparez cette toile avec celle d'Oliva qui se trouvait dans le café Slavia de Prague !) à la Mort de Carpeaux, en passant par La Naissance de la perle. Mais des goûts et des couleurs, n'est-ce pas ? Il faut visiter cette exposition et lire ce catalogue, car on y apprend tout ce qu'il faut savoir sur ce peintre, mais aussi beaucoup de choses sur l'art officiel de la fin du XIXe siècle et sur ce qui plaisait alors. Il est difficile de croire que cet artiste eut autant de succès alors. Cela nous force à nous interroger sérieusement sur nos propres choix au jour d'aujourd'hui ! Et puis la restauration de son grand oeuvre nous apprend comment une pièce aussi monumentale peut poser de problèmes aux professionnels. Bref, la Fondation Taylor nous apprend ce qu'il faut savoir sur ce qui a plus sous cette IIIe République qui a joué un rôle essentiel dans le cadre du mécénat d'Etat ou en tout cas institutionnel.
Signac, une vie au bord de l'eau, sous la direction de Marina Ferretti Bocquillon, Fondation de l'Hermitage / Skira, 186 p., 35 euro.
Les expositions coûtent de plus en plus cher à organiser. Une belle institution comme la Fondation de l'Hermitage n'a pas les ressources une grandiose exposition de Paul Signac. On peut le regretter, certes, mais cela présente certains avantages. Le premier est de voir des oeuvres considérées comme mineures, surtout des petites toiles et des encres, des crayons, des aquarelles, etc. C'est un excellent moyen de mieux connaître cet artiste et de comprendre sa méthode de travail et aussi l'évolution de sa technique. Cela ne veut pas dire que cet ensemble de travaux est privé de grands ouvrages, comme par exemple deux magnifiques vues de Saint-Tropez (le port et la fontaine d'un jardin) ou Sainte-Anne (1905). Mais l'essentiel consiste en des oeuvres de plus petits formats ou surtout assez peu connues. Et là, le choix qui a été fait est tout à fait intéressant, car on ne distingue plus chez lui exclusivement le "pointilliste", mais un artiste qui élabore sa composition en cherchant un point de vue à la fois singulier et révélateur du lieu choisi ;Il faut souligner que Signac ne cherche pas à transposer sur le papier sa célèbre technique. Il se révèle un peintre qui s'efforce de trouver un équilibre et une densité dans un paysage qui n'offre pas nécessairement de grandes mises en scène panoramiques. Au contraire, il cherche à trouver une condensation du sujet qui paraisse naturelle alors qu'elle est le fruit de son invention. Ce qui est curieux, c'est que lorsqu'il décrit un lieu - prenons par exemple la corne d'or à Istanbul en 1908 - la luminosité de la composition est frappante, et celle-ci se traduit par de larges plages blanches. Tout ce qui concerne la couleur est présent, mais légèrement esquissé. C'est donc une idée qui germe qu'il a entrepris de coucher sur le papier. On peut remarquer qu'à cette époque, il rejoint le fauvisme, mais pas d'une manière totale. IL veut demeurer dans un espace plastique qui lui est propre et qu'il a développé pendant de longues années. De plus, on remarque ici qu'il peut choisi des harmonies un peu sombres comme dans Rotterdam, la Meuse, un lavis très élaboré, qui est déjà un tableau en puissance ; cette exposition nous permet de comprendre plusieurs choses à propos de Signac : cette fascination pour la mer ou les fleuves qui s'apparente à une « absence » de sujet. Bien sûr, les reflets du soleil dans l'eau jouent un rôle considérable et entrent dans son idée de la peinture. Mais c'est tout de même curieux d'avoir fait si peu de paysages (dans ce cas, il privilégie les montagnes) et aussi bien de figures. L'être humain est presque complètement gommé, mais il est là métaphoriquement par la navigation, l'activité portuaire, etc. En somme, avec cette exposition et ce beau catalogue, nous seront meilleurs connaisseurs de cet artiste intransigeant.
Cosmos intime, la collection Takahashi, Maison de la culture du Japon à Paris, 88 p.
Il n'est pas courant de pouvoir découvrir une collection d'art contemporain venue du Japon. La collection de M. Takahashi a vu le jour en 1990 et, depuis, elle n'a cessé de croître. Ce qui frappe d'emblée quand on visite la belle Maison du Japon, c'est que les oeuvres sélectionnées peuvent très bien être mises en parallèle avec des travaux occidentaux de la même période. Le collectionneur n'a pas recherché la mode ou les artistes les plus connus en Occident. C'est d'abord un regard et un regard très avisé, très moderne, certes, mais pas du tout dans l'optique de l' « Art contemporain ». Prenons les deux tableaux de Maiko Haruki : ce sont deux pièces abstraites en noir et vert pâle qui semblent avoir trouvé un équilibre entre deux teintes discordantes. Mais la tension demeure, même si une certaine harmonie subsiste. La grande pièce de Kengo Kitô fait penser aux théories plastiques de Pino Pinelli, la pièce se développe dans l'espace, collée sur la paroi et semble une fragmentation qui s'est redonné une autre apparence et une autre cohérence. C'est un art en deux dimensions qui joue avec la troisième. Mais on trouve toutes les formes actuelles de la création, ou presque dans ces salles : il y a des ouvrages figuratifs (dont le remarquable tableau de Tayoi Kusamaza ou les dessins de Kumi Machida), ainsi que des installations. Il est impossible de tout aimer : il y a trop de styles et de genres différents rassemblés dans cette exposition. Mais le tout montre un désir profond de connaître l'art nippon de ces dernières années, sans a priori et sans complaisance.
The Town and the City, Jack Kerouac, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Daniel Poliquin, La Table Ronde, 640 p., 15,80 euro.
Au moins, cette réédition du premier roman paru en 1950 de Jack Kerouac n'est plus affublée de ce titre stupide (« Avant la route » !). Mais pourquoi ne pas l'avoir traduit autrement ? Bref, ne nous plaignons pas. Dans l'attente de la prochaine exposition de la Beat Generation au Centre Pompidou, les esprits curieux auront la possibilité de se plonger dans ce premier grand livre, qui a joué un rôle fondamental dans son histoire. Il montre très clairement quelle a été l'ambition première de son auteur : prolonger la tradition du grand roman américain qui naît dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ensuite, en faire une autobiographie (par exemple, ses exploits sportifs sont repris dans Sur la route et reviennent dans d'autres livres) dans une volonté obsessionnelle de se raconter sous le meilleur aspect et non comme un mauvais sujet à la dérive. Kerouac est un beau garçon bien charpenté et intelligent. Il doit le faire comprendre à n'importe quel prix, sans doute pour convaincre sa mère à Lowell. Mais il est rongé par le doute. Sa manière compulsionnelle d'écrire est sans doute la seule défense qu'il ait pu trouver contre ce doute. Curieusement, il a rédigé ces pages alors qu'il avait déjà connu Ginsberg et Burroughs. Mais ces derniers n'ayant encore rien écrit de significatif, il peut encore se croire autorisé de produire une littérature d'une forme conventionnelle avec une histoire assez conventionnelle elle aussi. Mais tout est déjà là : l'invention verbale, le souffle, la capacité de broder une histoire à l'infini, la faculté de construire un roman. Mais ce trop-plein de qualité est peut-être le défaut dans la cuirasse : c'est bien, mais sans rien d'imaginatif, de novateur, de renversant. C'est un bon roman, plaisant sous bien des angles, mais sans plus. Avec l'arrivée de Neal Cassady dans sa vie, l'influence de Burroughs qui avait un culture européenne considérable, il a pu avoir le courage de composer un livre neuf dans sa thématique et neuf dans sa composition : Sur la route. Mais ce n'est pas pour autant qu'on doive jeter aux orties ce premier essai : il avait l'âme d'un grand romancier et ce livre le démontre amplement. Il lui manquait encore et l'expérience et la témérité de provoquer une rupture dans une tradition à peine établie.
Shakespeare comme il vous plaira, textes choisis et présentés par Claude Mourthé, Folio Bilingue, 256 p., 7,70 euro.
Roméo et Juliette, William Shakespeare, dossier par Miriam Korichi et Juliette Bertron, Folioplus classiques,
Ce Shakespeare comme il vous plaira n'est pas une simple anthologie composée de plusieurs extraits de pièces du grand dramaturge anglais. C'est une excellente introduction à l'art de cet homme énigmatique, dont certains ont douté de l'existence. Cela dit, l'hypothèse n'est pas si absurde car, à l'époque, il n'était pas rare que les pièces fussent écrites à plusieurs mains. On a beaucoup discuté des pièces de Molière écrites par Corneille. Je ne saurais trop recommander ce petit ouvrage pour des jeunes gens qui souhaiteraient découvrir cet auteur inégalable. Paraît en même temps une version de Roméo et Juliette, qui est sans nul doute la pièce dramatique la plus accessible aux adolescents. Les commentaires copieux permettent aux jeunes lecteurs d'approfondir leur connaissance de cette oeuvre, de son époque, de sa postérité.
Amok, Stefan Zweig, traduit de l'allemand (Autriche) par Bernard Lortholary, Folio bilingue, 176 p., 6,50 euro.
Qu'Amok soit la nouvelle la plus connue de Zweig en France ne fait pas le moindre doute. Sans doute le titre étrange et l'histoire de possession (qui n'est en fait qu'une histoire de l'amour passion) ne sont-ils pas non plus étrangers à ce succès qui ne se dément jamais. Ce mot d'origine malaise exerce un réel pouvoir de fascination, c'est vrai, et ce que notre narrateur rapporte de ce qu'il a vécu lors de son retour en Europe prend une dimension considérable. Zweig était passé maître dans l'art de la narration, mais avec ce quelque chose en plus - quelque chose de quasiment imperceptible dans une narration sans fard et sans bizarrerie - qui lui permettait de rendre une histoire chargée de quelque chose d'insolite et de prenant. Si quelqu'un parmi vous n'a pas lu ce petit livre, c'est le moment ou jamais de le faire et de découvrir un des plus grands auteurs de langue allemande du siècle dernier, qui n'a pas pris une ride. Vienne a été alors le foyer de la culture de l'Europe centrale et Stefan Zweig, l'un de ses plus habiles écrivains.
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