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[verso-hebdo]
07-04-2016
La chronique
de Pierre Corcos
Bacchanales françaises
Large ringardisation du nu dans l'art contemporain. Dès Les Demoiselles d'Avignon (Picasso) ou Le Nu bleu (Matisse), la figuration de la nudité féminine va passer au crible de jeux plastiques divers et/ou se raréfier. Désérotisation de la nudité, dans la peinture, qui abandonna complètement à la photographie ce thème et sa charge d'érotisme. Jusqu'à la logique d'hyperréaliste désublimation inhérente à la pornographie... Or, dans De la séduction, Jean Baudillard notait : « Le trompe-l'oeil ôte une dimension à l'espace réel, et c'est ce qui fait sa séduction. Le porno au contraire ajoute une dimension à l'espace du sexe, il le fait plus réel que le réel - c'est ce qui fait son absence de séduction. ».
Alors, coincé entre un art contemporain où le conceptuel et le ludique ont débusqué le charnel, écarté le nu, et une industrie pornographique dépourvue de la moindre séduction (laquelle croise l'esthétique par définition), le public n'a d'autre recours - pour échapper à la carence de ce dilemme, et s'il reste attaché encore à ce nu - que retrouver la voluptueuse statuaire féminine au musée d'Orsay, revoir les Gérôme, Bouguereau, Gervex et autres peintres « imagiers », dont il acceptera l'académisme sans en être la dupe, à l'occasion de telle ou telle exposition à thème. Exposition qui aura toujours plus de succès qu'on le pense.

Justement, la Galerie des Beaux-Arts de Bordeaux nous propose jusqu'au 23 mai une belle exposition : Bacchanales modernes ! Le nu, l'ivresse et la danse dans l'art français du XIXe siècle dans laquelle le thème central de la bacchante permet de retrouver les peintres précités et d'autres encore, également les sculpteurs Pradier, Bourdelle, Carpeaux, Rodin, des bas-reliefs d'Enjalbert, mais aussi les ballets d'Alfred Bruneau, Massenet, Berlioz, et quelques films muets... Il se dégage de cette exposition ayant reçu le soutien du musée d'Orsay, coproduite par le musée des Beaux-Arts de Bordeaux et le Palais Fesch d'Ajaccio (Sophie Barthélémy et Philippe Costamagna, responsables de l'un et l'autre musée, sont les commissaires de cette exposition), une indéniable jubilation. Elle tient à ce que le public a pu ici échapper un moment aux laboratoires du conceptuel et à la violence de l'obscène. Mais aussi à ce que les peintres de l'époque devaient probablement éprouver cette joie : prenant pour prétexte la mythologie greco-romaine, en peignant l'ivresse, la danse et l'érotisme, ils se débarrassaient de normes puritaines hypocrites qui s'imposaient alors... Enfin, cette joie tient au dionysiaque lui-même, tel que Nietzsche l'a si admirablement exalté dans La Naissance de la Tragédie. Un dionysiaque libérateur, festif et régénérateur.

L'art de l'Antiquité et de la Renaissance inspire les artistes du XIXe siècle. Fresques colorées des maisons de Pompéi et d'Herculanum, scènes grivoises sur les vases et les bas-reliefs antiques, ou peintures de la Renaissance qui exaltent les multiples charmes du corps féminin : non seulement les artistes y apprennent une habileté graphique considérable, mais encore ils puisent là des motifs variés qu'ils peuvent différemment moduler. C'est le satyre lutinant la bacchante, ou ce cortège extraordinaire, composé de faunes, de bacchantes, de tigres et de panthères (le thiase), ou le triomphe de Bacchus, ou bien la mort d'Orphée, attaqué par les Ménades (cf. le tableau d'Émile Lévy, très emblématique de ces compositions), ou encore la folle danse qui accompagne les rites dionysiaques. « Les décors du Palais Garnier, ce temple païen où dansent les modernes bacchantes, seront convoqués et prendront place au coeur de l'exposition à travers la figure incontournable de Jean-Baptiste Carpeaux, dont le groupe de La Danse était considéré comme l'emblème sculpté de la frénésie du XIXe siècle et de la décadence des moeurs contée par la musique d'Offenbach », dit le texte de l'exposition. Offenbach, Carpeaux, le Palais Garnier, ces jolies « ménades parisiennes », ces décadence supposée des moeurs, ces frénésies, on en veut bien, sans forcément être nostalgique du Second Empire !... Sans doute, la morosité du climat social actuel, les lourdes menaces de tous ordres qui pèsent aujourd'hui sur notre monde contribuent-elles à donner encore plus de vivacité à cette grâce, cette insouciance, cette frivolité, cette joie sensuelle débordante qui semblent venir nous narguer.

De l'émoustillant et superbe groupe en marbre Satyre et Bacchante de James Pradier (il fit scandale au Salon) à la rieuse Bacchante de Bouguereau, en passant par les oeuvres expressives de Rodin et Bourdelle, c'est bien moins l'Antiquité qui vient ici se raconter, bien sûr, que cet art français séduisant du XIXe siècle, art insolent, gracieux, élégant, voluptueux qui nous ravit toujours. Et que le macabre retour des intégrismes religieux rend même nécessaire... Un art construisant aussi, à travers le motif de la Bacchante, une image puissante du féminin : « Figure liée à la terre, aux pulsions charnelles, aux bêtes sauvages qu'elle dompte et domine, elle autorise l'allusion à une féminité agressive et puissante : elle ne serait pas uniquement objet passif du désir mais sujet actif et dérangeant. », précise le texte de l'exposition. Féminin puissant, joie sensuelle, danse et plaisirs... à quoi il faut ajouter le vin, rouge carburant de ces fêtes bachiques et charnelles.
Pourquoi le cacher ? Cette exposition marque le coup d'envoi de l'année du vin à Bordeaux et le lancement de la fête bisannuelle du vin !

Il y a un certain nombre de gens qui se croient « saints », ou sains, en condamnant partout cette exubérance sensuelle et bachique... « Les malheureux ! ils ne soupçonnent pas l'air cadavérique et fantomatique que prend leur « santé » quand passe près d'eux comme un torrent mugissant la vie ardente des exaltés dionysiaques » (Nietzsche, La naissance de la tragédie).
Pierre Corcos
07-04-2016
 

Verso n°136

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