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[verso-hebdo]
01-12-2022
La chronique
de Pierre Corcos
Partir, créer
Au contraire d'un certain nombre d'expositions offrant en réalité moins qu'elles promettent, l'exposition Paris et nulle part ailleurs - 24 artistes étrangers à Paris. 1945-1972 (jusqu'au 22 janvier 2023 au Musée de l'histoire de l'immigration) ne se contente pas de rappeler l'attraction exclusive qu'exerça la « ville monde » - plus que la « ville lumière » - sur de nombreux artistes de différentes nationalités, mais encore elle stimule de fertiles réflexions sur la créativité potentielle de l'hybridation artistique et des chocs culturels.

De quelles façons variées, inattendues s'intriquent en effet la culture d'origine et celle d'accueil ? N'existe-t-il pas aussi, chez certains artistes, la tentation d'inventer un langage universel pour échapper aux tensions entre ces deux identités ? Cette exposition ne se limite pas plus à exalter Paris qu'à nous montrer quelques oeuvres choisies des peintres et plasticiens Aboud, Arroyo, Cadere, Cherkaoui, Cruz-Diez, Dado, Erró, Kudo, Lam, Le Parc, Maglione, Matta, Mitchell, Molnar, N'Diaye, Penalba, Reigl, Segui, Soto, Spoerri, Télémaque, Vasarely, Vieira da Silva, Zao Wou-Ki - ce qui serait déjà très satisfaisant -, car en plus on y déchiffre en sous-texte un message valorisant, pour ce qui concerne la création et la recherche tout au moins, l'ouverture, le nomadisme, voire le déracinement... On sait qu'au nationaliste Barrès exaltant « la terre et les morts », Claudel lui répondit préférer « la mer et les vivants ». Alors, en cette époque frileuse de résurgences nationalistes et xénophobes, il est bon de rappeler que si Paris a offert de son génie à celles et ceux qui l'ont élu, à leur tour Paris, la France et l'art mondial ont bénéficié largement du creuset stylistique généré par cet accueil de la capitale.

Jean-Paul Ameline, conservateur et commissaire d'exposition de longue date, assisté de Chloe Dupont, chargée d'exposition au Musée de l'histoire de l'immigration, ont organisé cette riche exposition selon un parcours en quatre thèmes, associés chaque fois à 5, 6 ou 7 artistes : exils volontaires, hybridations, l'opacité du monde, un langage universel. Ces différents thèmes sont nourris par le témoignage précieux des artistes. À travers des vidéos, des extraits de films, ils nous racontent des expériences et situations variées à Paris. Elles ne furent pas toujours idylliques : « Je me demande si un Français peut se représenter - est capable de l'effort d'imagination nécessaire pour se représenter - ce qu'est la vie d'un étranger pauvre à Paris. Surtout si cet étranger est un poète - ou un réfugié politique - et à plus forte raison un poète qui n'a pas encore découvert sa poésie » (citation de Roberto Matta). Cette exposition n'est pas lénifiante. Réaliste, elle nous rappelle que le négatif ayant déclenché l'exil (un monde limité, un régime politique oppressif ou diverses situations de pénurie) se prolongeait parfois en adaptation difficile, en solitude, en misère dans un Paris indifférent, magnifique et pressé. Alors la nostalgie pointait... « La vie d'avant est souvent en arrière-plan : Alicia Penalba sculpte en pensant aux paysages argentins de son enfance. L'homme de la rue d'Antonio Segui est coupé en deux, les pieds au sol, la tête dans les nuages de sa ville natale » : le texte de présentation propose cette interprétation plausible. Elle a cet avantage d'échapper à l'individualisation extrême du décodage psychanalytique autant qu'aux généralisations de la lecture sociologique des oeuvres. La création saisie dans son contexte historique, géographique sensible. Bref dans son écosystème... Ou plus précisément dans l'interaction de ces deux écosystèmes : pays d'origine et métropole d'accueil. Si un Wilfredo Lam associe le cubisme et le surréalisme rencontrés à Paris aux rites et symboles afro-cubains, une Joan Mitchell imprègne son expressionnisme abstrait made in New York de l'impressionnisme de Monet. Parfois ces artistes immigrés se sentent perdus dans ce carrefour stylistique tourbillonnant, angoissant, et ils « recréent un univers artistique fait d'objets venus de toutes parts ». On nous cite à cette occasion Kudo, Spoerri, Erró, etc. Peut-être certains exégètes de leur oeuvre protesteront-ils devant cette lecture donnant une place prépondérante à la situation d'immigré de ces artistes et à ses effets artistiques. Et le visiteur peut rester parfois dubitatif devant certains décodages proposés. Mais là n'est pas l'essentiel...

Les témoignages des artistes, les commentaires proposés dans cette exposition rencontrent, confirment les enquêtes et recherches de la sociologue et anthropologue Nicole Lapierre qui, dans « Pensons ailleurs » (Stock 2004), montrant le rôle productif, créateur des frontières dépassées, des identités mises en péril, faisait l'éloge du déplacement, du décentrage, du décalage : « nous pensons toujours ailleurs », écrivait Montaigne. Ils croisent également les concepts de « nomadisme », de « déterritorialisation », de « lignes de fuite » développés par Gilles Deleuze... Paris était, dans la première moitié du 20ème siècle puis après la Seconde guerre mondiale, un carrefour des avant-gardes. Traçant leur ligne de fuite à travers cette ville-monde, bien des artistes internationaux ont ainsi échappé à l'enfermement de leur culture d'origine tout en restant étrangers à Paris. De cette double autonomisation, de tout ce qu'elle a intriqué au passage, leur oeuvre tire son originalité.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
01-12-2022
 

Verso n°136

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