Le vernissage sans doute le plus original de la rentrée aura lieu dans la nuit du 8 au 9 septembre, plus précisément à 4 heures du matin (« en présence de l'artiste », il convient de le préciser) pour voir les pastels de Frédéric Brandon. Il y en aura une bonne centaine, et si vous ne souhaitez pas vous lever tôt, vous aurez jusqu'au 26 septembre pour vous rendre au marché international de Rungis, Pavillon de la Marée naturellement (quai de Lorient, 94550 Chevilly-Larue). Ce ne sont plus les halles de Baltard, si bien décrites par Emile Zola dans Le Ventre de Paris, mais enfin il s'agit du plus grand rassemblement de poissons d'Europe qui ne pouvait pas ne pas abriter les fruits de la mer de Brandon au moins quinze jours.
La mer étale était pleine de poissons, les voici maintenant à l'étal, appétissants, ou bien en peinture, pas amère du tout. Nous retrouvons le peintre Brandon pour qui la peinture est humour et plaisir. Mis à part Chardin et sa raie, Arcimboldo et son «élément» liquide, Braque et son malheureux poisson signifiant la famine de 1944, il n'y a guère de poissons dans l'histoire de l'art. Brandon a cherché et il en a encore trouvé quelques uns, figurant à titre exceptionnel chez Goya, Manet, Van Gogh, Bonnard, Bernard Buffet et Monet. Il s'est fait un devoir de rendre hommage à chacun, les portraiturant à côté des spécimen choisis par eux. Mais à part ça, les poissons sont vraiment rares dans la peinture. Brandon vient donc combler cette importante lacune avec une merveilleuse autorité : voici des maquereaux, des chinchards communs, des pageots, des roussettes et des sébastes qui se déploient au pastel sur carton ou toile. Le fond blanc rapidement suggéré signifie à l'évidence de la glace sur laquelle les poissons se présentent à leur avantage : Brandon excelle au rendu de leurs reflets argentés.
Oui, bien sûr, ce sont des poissons, mais c'est surtout de la peinture. Brandon ne s'écarte en aucune manière de son cheminement à la rencontre du plaisir de l'art, dont on sait qu'il a partie liée avec les forces de dissolution de tout ordre institué. Je veux dire un certain ordre « culturel » dominant, mais surtout le code que toute peinture commence par se donner avant de chercher à le subvertir. Ce qui fait que, une fois de plus, Brandon nous étonne et nous séduit. Il peint ses poissons comme personne ne les a jamais peints. Une fois de plus, Brandon caresse la matière-couleur avec volupté et révèle ses attraits là où ne nous attendions pas à les découvrir. Bravo l'artiste !
|