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[verso-hebdo]
23-09-2021
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Ernest Pignon-Ernest, Haïti le secret cheminement du sang |
Le même jour, ce début septembre, on sort du Grand Palais Ephémère où l'on a vu avec admiration, dans le cadre d'Art Paris, un dessin extraordinaire d'Ernest Pignon-Ernest représentant le cadavre de Pasolini, et l'on découvre dans la nouvelle galerie Lelong de l'avenue Matignon la dernière série de l'artiste consacrée à Haïti. De Naples à Soweto, il a l'habitude d'observer et de dénoncer les malheurs du monde : il a donc accepté l'invitation d'auteurs et d'artistes haïtiens pour découvrir Port-au-Prince en 2019 après séisme, notamment la cathédrale en ruines mais aussi « la vitalité de création et le syncrétisme religieux qui imprègne tout cela. » Il a découvert Jacques Stephen Alexis (1922-1961), une de ces personnalités qui, comme Neruda ou Pasolini, incarnent leur temps à ses yeux. Alexis était poète, il fut assassiné par le dictateur Duvalier. Pignon-Ernest n'a pas manqué de faire son portrait à la pierre noire dont des reproductions ont été collées sur les murs de la ville (n'oublions pas que Pignon-Ernest fut le précurseur génial de l'art urbain).
Mais dire tout cela, c'est seulement raconter les circonstances et les méthodes d'un grand artiste qui travaille depuis plus d'un demi-siècle, ce n'est pas dire en quoi consiste la valeur essentielle de sa démarche. Il me semble en premier lieu que l'intérêt esthétique des dessins de Pignon-Ernest ne tient pas surtout à leur virtuosité (on répète toujours qu'il dessine aussi bien que Caravage si celui-ci avait dessiné !) mais à leur vérité. Chacun de ses dessins est vrai par rapport à lui-même, il donne une impression d'aisance et de sûreté, rien en lui ne sonne faux. Mais la rigueur impeccable du sensible est ici le signe d'une autre rigueur, car ces formes parfaites témoignent encore d'une vérité par rapport à l'artiste. L'oeuvre répond ici à une nécessité chez celui qui l'a créée. Devant la désespérante cathédrale de Port-au-Prince en ruines, Ernest ne se contente évidemment pas de prendre des photographies d'un monument vide. Il trace une figure féminine rouge et nue marquée par des stigmates. Figure christique donc, dont il a besoin pour traduire son émotion la plus profonde. Chez Pignon-Ernest, faire et être sont une seule et même chose. Chez lui, le style n'est pas un procédé qui lui serait offert comme un moyen dont il userait avec virtuosité, il est sa démarche inimitable, la même dans absolument toutes ses créations.
Enfin, les dessins de Pignon-Ernest sont vrais par rapport au réel. La représentation n'est pas la fin de l'art. L'oeuvre ne représente que pour exprimer : l'art ne peut être lui-même qu'en renonçant à imiter le caractère de réalité du réel. Ainsi tout dessin de Pignon-Ernest est certes un objet bien réel, mais il ne prétend pas produire en lui le réel : il le dit, et en le disant il le découvre. La magnifique qualité de ces oeuvres vient du fait qu'elles ne désignent pas la réalité du réel, mais expriment un sens du réel. Or ce sens est vrai parce que c'est la dimension affective à travers laquelle le réel peut apparaître. En l'occurrence, chez Pignon-Ernest depuis toujours et aujourd'hui plus que jamais, la désolante misère du monde et la cruauté de l'Histoire.
www.galerie-lelong.com
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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