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[verso-hebdo]
09-09-2021
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Sergio Birga nous a quittés
La mort brutale du peintre et graveur Sergio Birga, le 26 août, éclaircit encore les rangs de la Figuration narrative après la récente disparition de Gérard Fromanger dont il était l'ami. Né à Florence en 1940, il était venu s'installer à Paris en 1966 et avait aussitôt rejoint le salon de la Jeune Peinture dont il devint un des plus importants animateurs. L'édition 1969 de la JP était placée sous le signe de « police et culture » et c'est Birga qui se chargea principalement de la salle « Les intellectuels chiens de garde ». Par la suite ce lecteur de Nizan fut proche de diverses sensibilités de gauche, sans adhérer à aucune mais en les accompagnant avec générosité, par exemple en illustrant avec une étonnante efficacité graphique les premières pages de leurs journaux : Clarté en 1971 ou L'Humanité rouge en 1973. C'est encore avec Fromanger qu'il participa en 1981 à la réalisation d'une bannière de 500 mètres de longueur qui encercla l'ambassade d'URSS en protestation des pressions exercées alors sur Solidarnösc.
Mais Sergio Birga n'était pas d'abord un politique : c'était avant tout un peintre et un graveur (il venait d'achever le catalogue raisonné de son oeuvre gravé au moment de sa disparition). Peintre, il évolua en fonction d'au moins trois sensibilités : réalisme magique, pittura colta, expressionnisme proche d'Otto Dix qu'il avait rencontré en Allemagne. Un bon moyen de le suivre est d'observer ses différentes manières d'aborder l'autoportrait. Il en a réalisés une trentaine depuis l'impressionnant Autoportrait à la palette de 1962. Cet assez grand tableau (95 x 70 cm) était violemment expressionniste, notamment par le traitement des mains immenses et torturées masquant presque entièrement la palette, et par celui du visage jaune tourmenté, zébré de vert comme l'était celui de Van Gogh. Cette référence à Van Gogh n'est pas inopportune à en juger par son pastel Autoportrait à 33 ans de 1974 dans lequel on distingue nettement, accrochée au mur juste au dessus de la tête de l'artiste, un autoportrait du Hollandais.
Mais Birga ne s'est pas seulement inspiré de Van Gogh ou Otto Dix : il était sensible à la conception hegelienne du portrait selon laquelle ce dernier ne doit traduire que ce qui appartient à l'essence immuable du modèle. Depuis la Renaissance, les peintres - et tout particulièrement les florentins - se pensent eux-mêmes comme fragments du monde visible : c'est bien ainsi qu'a raisonné Birga en soixante ans de carrière. Pour lui ce fragment avait un statut particulier, puisqu'il est à la fois sujet et objet de la représentation, il signifie d'abord « je peins donc je suis », et il était peintre. Ainsi dans le Petit autoportrait au rideau rouge de 1989, Birga évoquait l'obsession de tout peintre : la lumière et l'art de la saisir. Il s'agissait en effet d'un contre-jour : le soleil se couchait derrière une baie vitrée, les rayons étaient filtrés par le rideau dont le rouge se colorait du blanc du couchant. De plus, et c'est capital, le peintre nous présentait le tableau sur lequel il travaillait. Mais nous étions à contre-jour : nous pouvions distinguer seulement une église. En effet, Sergio Birga retrouvait à ce moment la foi de son enfance, et il allait entamer une dernière période, très riche, d'où émergent des tableaux religieux comme par exemple son Polyptyque sur la Communion des saints aujourd'hui présenté dans l'église Saint Georges de la Villette. Dans l'autoportrait au rideau rouge, le visage de l'artiste n'était plus du tout torturé : il respirait la sérénité et la paix. Celle atteinte dans sa période religieuse, qu'il a retrouvée maintenant au paradis des peintres.

www.birga.fr
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
09-09-2021
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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