Peintre, graveur et dessinatrice, Christine Messmer expose ses travaux galerie La Capitale (18, rue du Roule, 75001 Paris, jusqu'au 25 janvier) et ce qui frappe tout d'abord, c'est que les toiles ne sont pas datées : ce sont réellement soixante années de peinture, d'une assez remarquable unité qui sont devant nous, avec certes des variations, des modulations, mais qu'il est impossible d'inscrire dans une chronologie. Soit une huile de format moyen intitulée L'aube des Amandiers : sur fond bleu clair on distingue qu'ils sont trois. Ils sont environnés de légères touches de blanc : ils sont donc en fleurs. C'est tout, et cela suffit pourtant à arrêter longuement le regard. Nous parcourons un itinéraire pictural à travers des transparences froides, mais nous sentons qu'il s'agit aussi d'un itinéraire allégorique de l'artiste qui a très longtemps cheminé dans ses tableaux. Nous avons au moins une certitude devant cette peinture ni abstraite ni tout à fait figurative : l'oeuvre est vraie par rapport à elle-même.
L'aube des Amandiers communique, dans son indécision même, une impression d'achèvement, tout comme L'Echelle des Anges, peinture cependant construite de manière très différente : des formes claires, aériennes, qui s'envolent sur un fond bleu plus soutenu. Mais peinture tout aussi vraie parce qu'achevée, parce qu'il n'est pas possible d'y associer l'idée de repentir. L'impression que l'artiste n'a pas eu à se reprendre, comme pour Le Jardin de la lune ou la Trouée d'automne, cette impression s'empare du spectateur : tout se passe comme si Christine Messmer ignorait toute tentation de rature. Bref : chaque oeuvre s'impose à nous parce qu'elle s'est d'abord imposée à elle. Peu importe que, dans les faits, l'artiste ait beaucoup travaillé : c'est effectivement par le travail qu'elle obtient des tableaux d'une parfaite sérénité. En peinture, « vérité » n'a jamais fait bon ménage avec « bâclé », et l'artiste nous en donne tranquillement la preuve.
Un tableau de Christine Messmer, Lumière dans les ténèbres par exemple, répond par lui-même, et par avance semble t-il, à tous les pourquoi, étant entendu que la réponse ne saurait appartenir à l'ordre de l'entendement : c'est dans le sensible qu'il nous plonge, c'est à un acquiescement du corps qu'il invite, et c'est dans ces conditions que nous pouvons nous laisser saisir par notre première impression d'aisance et de sûreté. L'objet-tableau est vrai parce qu'il sonne juste et que, ce faisant, il rend agréable notre perception. Les transparences de La barque du jour s'ordonnent ainsi sous nos yeux en toute rigueur, mais une rigueur qui ne doit rien à la logique. La peinture semble avoir littéralement germé ici, comme aurait dit Paul Klee, animant notre regard, lui communiquant sa plénitude. Mais nous ne sommes pas seulement un regard, nous attendons que l'oeuvre éveille un intérêt d'une autre nature en nous, de telle sorte que sa rigueur ne soit pas exclusivement sensible : il faut en un mot que la rigueur du sensible soit le signe d'une autre rigueur, celle de la vérité par rapport à l'artiste, et c'est bien ce qui se passe. Christine Messmer se donne entièrement à son art depuis toujours, sans rien lui demander d'autre que de laisser sourdre, ici et là, un peu de ce que l'on appelle la beauté.
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